AGPM Info économie n°551

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La science, toute la science, rien que la science ?

La voilà bien malmenée : tantôt brûlée sur le bucher, tantôt érigée en dogme absolu. La science ne peut pas rester l’otage des opinions, elle n’a pas vocation à les servir. Les faits sont là, la science
les explique. Ni plus ni moins. Les avis scientifiques doivent être écoutés, y compris quand cela dérange. Que l’on parle de changement climatique ou de santé, la logique doit être la même. Une décision politique intègre forcément d’autres paramètres. Mais seul le dialogue, sur des bases scientifiques sérieuses et respectées, permettra de cheminer vers une décision éclairée.

MARCHÉ : TENDANCE BAISSIÈRE EN DÉBUT DE CAMPAGNE

Alors que la récolte 2018/2019 est achevée en Amérique du Sud, la collecte a commencé dans les pays producteurs de l’hémisphère nord. Les derniers éléments de soutien se sont effacés durant l’été et la situation actuelle n’incite pas à l’optimisme pour les prochains mois, du moins pour le début de la campagne.

Des fondamentaux baissiers

Les cours de l’été ont connu une forte volatilité due à la confrontation de nombreux éléments haussiers et baissiers et aux incertitudes pesant sur la production américaine. Toutefois, les éléments baissiers ont pris le dessus. Ainsi, les cours du maïs à Chicago sur l’échéance décembre ont chuté d’environ 20 % entre la mi-juillet et la mi-août. Cela est principalement dû à la publication des  rapports du ministère de l’agriculture américain qui ont estimé, à l’inverse des attentes des opérateurs, que les rendements et les surfaces semées avaient moins souffert que prévu des conditions climatiques du printemps. La production attendue de 351 millions de tonnes (Mt) pèse sur les cours et ne paraît pas pouvoir être significativement revue à la baisse avant la fin de la récolte qui débute, à moins de gels précoces sur les maïs les plus tardifs, certes plus nombreux cette année. Par ailleurs, les prix sont sous pression des excellentes productions obtenues ou prévues dans les principaux pays exportateurs de maïs. Le Brésil et l’Argentine ont connu des récoltes records, d’environ 150 millions de tonnes au total ! Les disponibles exportables sont par conséquent élevés et profitent de la bonne compétitivité de ces origines, du fait de coûts de production moindres et de la dépréciation du peso argentin. Par ailleurs, la production ukrainienne devrait largement peser  sur les cours elle aussi. Un nouveau record de production est attendu, aux alentours de 35-36 Mt selon les analystes. Agritel annonce même une récolte supérieure à 37 Mt, étant données les  conditions favorables du cycle de culture et la hausse des surfaces par rapport à la campagne précédente. Les prix FOB ukrainiens sont ainsi au plus bas depuis 10 ans… Cette situation devrait permettre à la production ukrainienne de peser fortement sur le marché communautaire et de se substituer, dans une large mesure, à l’origine brésilienne qui domine les importations  européennes depuis le 1er juillet. Au total, à la mi-septembre, plus de 4,5 Mt de maïs ont déjà été importées dans l’Union Européenne.

Quelques inconnues pour les prochains mois

Quelques inconnues, de nature essentiellement géopolitique, pourraient perturber cette tendance dans les mois qui viennent. Tout d’abord, l’actualité de la guerre commerciale sino-américaine pourrait de nouveau agiter les cours mondiaux. Les deux parties doivent se rencontrer au début du mois d’octobre à Washington et certains analystes pensent qu’un accord a minima pourrait être
conclu, incluant notamment les produits agricoles américains. Par ailleurs, un accord entre les États-Unis et le Japon, déjà importateur majeur de maïs, devrait être annoncé à l’occasion de l’assemblée générale de l’ONU à la fin du mois. La perturbation de la production pétrolière saoudienne pourrait, si elle s’aggrave, influencer les cours. Cela aurait un impact direct sur les charges de production, le coût du transport et sur les cours de l’éthanol américain, débouché de 40 % de la production locale de maïs. Enfin, les analystes garderont un oeil attentif sur les semis sud-américains qui débutent. Les semis brésiliens de soja et de maïs safra sont d’ores et déjà retardés du fait de la persistance de la sécheresse sur une bonne partie du pays et en particulier dans le Centre-Ouest qui regroupe les principaux états producteurs. Les surfaces en Argentine, si elles sont toujours annoncées en hausse de 200 Kha à 6,2 Mha par rapport à 2018, pourraient toutefois
souffrir de la crise économique qui touche le pays.

Le maïs français soumis à rude épreuve !

Cette campagne de production a été marquée par des aléas climatiques sévères qui ont pénalisé les cultures de printemps dans de nombreuses régions. Cela se traduit par la réduction du potentiel des maïs pluviaux sur l’ensemble de la France hormis l’extrême sud-ouest qui a pu bénéficier de pluies bien positionnées. En maïs irrigué, certains bassins ont subi des restrictions impactant le potentiel des cultures et, même sans arrêté, les installations ont parfois eu du mal à suivre les besoins des plantes. Néanmoins, le potentiel des cultures irriguées sera préservé dans la majorité des régions. Face à ce bilan contrasté, le rendement national est attendu à 91 quintaux/ha selon Arvalis, en recul de 2 % par rapport à 2018 et 6 % par rapport à la moyenne des 5 dernières années. La plante maïs démontre une certaine résilience face aux conditions extrêmes de l’année, et permettra une nouvelle fois de pallier le déficit fourrager.

STOCKAGE DE L’EAU : UNE NÉCESSITÉ RECONNUE

Malgré les sécheresses… la France a de l’eau

La campagne 2019 démontre une fois encore la nécessité de sécuriser la production agricole à travers l’irrigation. L’absence de précipitation sur une grande partie du territoire en juin et juillet, couplée à la succession de deux canicules, a fortement pénalisé les cultures non irriguées. L’été a été ponctué par une succession d’arrêtés, entraînant des mesures de restriction plus ou moins impactantes en termes de limitation des prélèvements d’eau. Au total, ce sont 86 départements concernés, avec un peu plus de 200 arrêtés pris par les préfets. Or la France est un pays qui a de l’eau en quantité. Notre pays dispose de la seconde ressource en eau renouvelable en Europe, après la Norvège. Cependant notre taux de mobilisation, c’est-à-dire le prélèvement en eau pour
l’ensemble de nos usages (énergie, alimentation en eau potable, industries et irrigation) sur la quantité d’eau issue de la pluviométrie, est de 15 %. C’est parmi les plus faibles d’Europe, bien inférieur à l’Espagne (29 %) ou même à l’Allemagne (21 %). Autrement dit, la France ne stocke finalement que 4.7 % des précipitations annuelles, quand la capacité de stockage en Espagne
s’élève à 48 %.

Gérer le risque de sécheresse par la création de retenues d’eau

Les annonces fin août des ministres Didier Guillaume et Emmanuelle Wargon, reconnaissant la nécessité de stocker l’eau pour anticiper les pénuries sont une vraie avancée. Elles ont permis de réaffirmer haut et fort le rôle indispensable du stockage hivernal, dont l’importance avait déjà été traduite à travers la nouvelle instruction des projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) signée le 9 mai 2019. Cette instruction sur les PTGE contient en effet deux éléments majeurs dans l’avancement des projets de stockage. Le texte reconnaît désormais la nécessité de prendre en compte les besoins supplémentaires en eau liés au changement climatique en s’appuyant sur des ressources en eau en période hivernale. En outre, les Agences de l’eau, auparavant limitées
au financement des projets dits « de substitution », pourront financer des projets de mobilisation des volumes supplémentaires, dès lors qu’un ouvrage est « multi-usage ». La profession agricole, représentée par la FNSEA, l’APCA, les JA et Irrigants de France, a salué la volonté des ministres d’avancer concrètement sur la mise en oeuvre des projets de retenues d’eau. Mais ces différentes avancées ne doivent pas masquer les oppositions récurrentes sur les projets de stockages d’eau, ainsi que les différents jugements qui ont abouti à l’annulation de plusieurs Autorisations Uniques de Prélèvement. La sécurisation juridique de la notion de volume prélevable est urgente, car elle est au cœur des actions de recours en annulation des AUP (au même titre que la faiblesse du contenu des études d’impact). L’AGPM et IRRIGANTS de France veilleront à ce que toutes ces annonces se traduisent désormais par des actions concrètes sur les territoires concernés et par la mise en place un ambitieux plan de stockage de l’eau.

NOUVELLES BIOTÉCHNOLOGIES VÉGÉTALES : UNE RÉGLEMENTATION À RÉVISER

Dans un climat de défiance toujours plus lourd vis-à-vis des produits phytos, illustré par l’actualité sur les distances non traitées à proximité des habitations, il est important d’élargir le champ des possibles pour préserver la production française. Bien que fragilisée par la distorsion liée à la confiscation des OGM, la sélection variétale est restée performante en maïs et demeure un important vecteur de progrès. Mais pour garder sa place sur l’échiquier mondial, cette dernière a besoin de pouvoir accéder aux nouvelles biotechnologies végétales pleines de promesses au service des agriculteurs. C’est pourquoi l’AGPM et la FNPSMS (interprofession des semences de maïs et de sorgho) font partie des 29 organisations agricoles signataires du courrier envoyé au Ministre de l’Agriculture Didier Guillaume le 5 septembre dernier, demandant à la France de rejoindre la coalition européenne pour une révision de la réglementation 2001/18 dite réglementation OGM. Rappelons que l’avis de la Cour de justice de l’UE avait considéré en juillet 2018, que cette dernière devait s’appliquer à toutes les méthodes de sélection végétales développées après 2001. Or, cette
réglementation n’est plus adaptée aux méthodes d’aujourd’hui. Lourde et coûteuse, elle mettrait en péril l’innovation variétale française et européenne alors que le progrès génétique est source de perspectives pour répondre aux défis actuels. Dans ce contexte, les Pays-Bas et douze états-membres ont demandé d’inscrire la révision de la réglementation à l’agenda de la Commission
Européenne. La France, riche d’éminents chercheurs en matière de biotechnologies végétales et d’entreprises semencières performantes et exportatrices, doit être proactive et défendre les intérêts de ses entreprises, de ses agriculteurs et, in fine, de ses concitoyens.