CEPM Newsletter 35

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Editorial : oui à la solidarité avec l’Ukraine mais aussi avec nos producteurs ! S’il est évident qu’au lendemain de l’attaque de l’Ukraine par la Russie il fallait soutenir le peuple ukrainien, la guerre a des conséquences qui ne se sont pas arrêtées aux frontières de l’Ukraine. En effet, au printemps 2022, il était urgent de sortir d’Ukraine les grains stockés et d’organiser les flux mis en place par les moyens terrestres et ferroviaires en alternative, même imparfaite, aux lignes maritimes stoppées par le conflit. L’Europe a ainsi beaucoup engagé d’énergie pour organiser ces « solidarity lanes ». Mais ces mouvements ont impacté de façon majeure les zones frontalières dans lesquelles devaient initialement transiter ces nouveaux flux. L’arrivée massive de grains sur les pays limitrophes a malheureusement des effets très négatifs pour les agriculteurs locaux. La CEPM et ses membres ont dénoncé cette situation de longue date et n’a pu que constater les impacts sur les marchés en Pologne, Roumanie, Bulgarie, Hongrie ou Slovaquie. D’autant que ces tensions sur les marchés, avec des cours dramatiquement bas, sont venue s’additionner à une année 2022 très difficile pour la production européenne de maïs, confrontée à la sécheresse et aux canicules. Les agriculteurs de ces pays ont dû se faire entendre et manifester fermement leur désarroi pour être écoutés par leur propre pays, et, enfin, par la Commission. Des dispositifs  d’aides vont être mis en place, et nous nous en réjouissons pour les agriculteurs qui vont en bénéficier. Cette solidarité aussi doit s’exprimer. Mais ces travers auraient mérité d’être mieux anticipés plutôt que d’attendre que des états aient à rappeler, par des mesures de sauvegarde unilatérales, que le territoire européen n’est pas exempt de difficultés Protéger les producteurs agricoles face aux incertitudes qui nous entourent est une nécessité. Des mesures de gestion doivent être prises pour limiter la déstabilisation des marchés locaux. La CEPM apporte tout son soutien à ses membres et à tous les maïsiculteurs européens ainsi qu’aux maïsiculteurs ukrainiens. Céline Duroc Permanent Delegate CEPM

SUR : UN NOUVEAU CALENDRIER EST DÉFINI AU PARLEMENT

Alors que de nombreux députés européens ont accueilli avec satisfaction la décision du Conseil demandant à la Commission de fournir des données supplémentaires sur la proposition SUR – pensant qu’elle retarderait complètement le processus – les législateurs se sont mis d’accord, le 15 mars 2023, sur un calendrier indicatif pour faire avancer les choses. Cette nouvelle intervient après que Clara Aguilera, rapporteur de l’AGRI, ait annoncé qu’elle ne publierait pas son rapport avant juillet, date à laquelle la Commission devait présenter ses données supplémentaires. Pour rappel, bien que la commission ENVI soit la commission responsable du dossier, AGRI dispose toujours de compétences exclusives sur une poignée d’articles relatifs à la politique agricole
commune. Par conséquent, le Parlement ne peut décider d’une position sans que les deux commissions ne soient d’accord sur la proposition. Avec ces nouvelles dates, le Parlement européen devrait approuver son rapport le 2 octobre, lors de la session plénière. Ce vote en plénière fera suite à un vote en commission AGRI le 19 juillet et à un vote en commission ENVI le 11 septembre.
Parallèlement, les États membres du Conseil travaillent sur les détails plus techniques de la proposition. Une approche générale n’est attendue qu’après la fin de la présidence suédoise. La CEPM continuera de suivre de près les développements concernant la proposition SUR. En particulier, nous plaidons pour que les nouvelles règles ne grèvent pas plus la compétitivité de la production de
maïs de l’UE, qui a été largement affectée par les conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et par la détérioration de la balance commerciale au fil des années.

NGTS: LES DISCUSSIONS S’INTENSIFIENT EN AMONT DE LA PROPOSITION DE LA COMMISSION

Le 7 juin, la Commission européenne devrait dévoiler tout un ensemble de nouvelles propositions législatives, dont une révision des règles actuelles relatives au matériel de reproduction végétale (dont les semences), une loi européenne sur la santé des sols et un cadre réglementaire pour les nouvelles techniques génomiques (NGTs). Bien que toutes ces mesures soient importantes pour le secteur agricole, la dernière reste extrêmement critiquée, en particulier par les ONG et les mouvements écologistes. Les ONG affirment que les plantes produites par les NGT devraient être réglementées par le cadre actuel des OGM. Elles affirment que de nouvelles règles conduiraient à des exigences réglementaires moins strictes pour les entreprises et à une plus grande exposition des consommateurs aux (nouveaux) produits à base d’OGM. Au niveau des différents législateurs, certaines tendances se dégagent et continuent de s’opposer. Au Conseil, l’Autriche, la Slovénie, l’Allemagne, la Bulgarie et la Hongrie restent prudents face à la proposition, tandis que la Belgique, l’Estonie, le Danemark, la République tchèque et la France soutiennent la définition de
nouvelles règles. Au Parlement européen, les Verts sont les plus grands opposants à la proposition, tandis que le roupe Renew europe est l’un de ses plus grands partisans. Malgré ses divergences, un accord devra être trouvé entre les différentes institutions sur ce sujet essentiel pour maintenir la compétitivité de l’agriculture. La CEPM considère que l’approbation rapide d’un cadre européen adapté pour les NGTs est essentielle pour atteindre les objectifs du F2F et du Green Deal tout en fournissant aux agriculteurs les outils nécessaires pour s’adapter aux obligations réglementaires découlant de ces initiatives. En particulier, il est indispensable que ce cadre permette l’évaluation des variétés d’intérêt plutôt que de se concentrer sur les techniques qui ne cesseront d’évoluer. En outre, les marchés agricoles de l’UE ne peuvent pas être considérés indépendamment des marchés mondiaux, en particulier des partenaires commerciaux qui ont déjà développé leur propre cadre
NGT (États-Unis, Inde, Canada, Japon et Royaume-Uni). Il est donc urgent d’avancer sur ce sujet.

COMMERCE : S’OPPOSER À LA SIGNATURE DU MERCOSUR

Le 7 mars, le négociateur en chef de l’UE, Rupert Schlegelmilch, s’est rendu à Buenos Aires pour rencontrer son homologue afin de présenter un nouvel encart visant à renforcer les engagements climatiques dans l’accord commercial entre l’UE et le Mercosur. Cet encart vise à apaiser les nombreuses critiques formulées depuis le premier accord de principe en 2019, notamment celles
émanant de la France et de la Belgique. Les négociations ont repris à un rythme plus soutenu depuis l’investiture de Lula à la présidence. Néanmoins, nombreux sont ceux qui estiment que le texte actuel est loin d’être idéal. Le président français Emmanuel Macron fait pression pour obtenir des clauses miroirs insistant sur la nécessité de respecter l’accord de la COP26 de Paris. L’Autriche mobilise ses alliés au sein du Conseil pour faire la lumière sur les impacts de l’accord sur la compétitivité des produits agricoles de l’UE. Enfin, aux Pays-Bas, les députés de l’opposition ont adopté une motion appelant le gouvernement néerlandais à retirer son soutien à l’accord. Cela ne signifie pas que l’accord ne compte que des opposants. Après sa récente tournée en Amérique du Sud, Olaf Scholz est considéré comme le principal défenseur du pacte commercial. L’Espagne et le Portugal, anciennes puissances coloniales de la région, sont également favorables au MERCOSUR. La présidence espagnole du Conseil de l’UE en juillet 2023 pourrait donner un « nouvel élan » à la conclusion de l’accord dès 2023. La Commission européenne a toujours été libre-échangiste et
le demeure. L’accord avec le Mercosur, s’il intervenait, constituerait un choc majeur pour l’agriculture européenne. Il déstabiliserait des secteurs déjà fragilisés, en particulier la filière maïs  européenne, par les réformes successives de la PAC et des concessions commerciales conséquentes. Signer le Mercosur actuellement amplifierait les distorsions de concurrence avec des pays tiers loin d’appliquer les règles et standards de production exigées des producteurs européens. La CEPM estime donc aujourd’hui qu’il faut s’y opposer.

LA COMMISSION EUROPÉENNE PRÉPARE LA FUTURE PAC

La nouvelle politique agricole commune (2023 – 2027) vient à peine de commencer que l’on parle déjà de la future PAC qui s’étendra de 2028 à 2034. Le 23 mars, lors d’une réunion de la  commission AGRI, le commissaire Wojciechowski a déclaré que l’exécutif de l’UE publierait une communication sur la politique agricole commune post-2027 à l’automne. « Cette [communication] constituera une bonne base sur laquelle nous pourrons définir ensemble à quoi devrait ressembler la future PAC”, a déclaré le commissaire, ajoutant que la prochaine PAC devrait se concentrer sur
“l’accès à une alimentation sûre et abordable pour tous”. Bien qu’il soit trop tôt pour dire à quoi ressemblera la future PAC, beaucoup s’accordent à dire que M. Wojciechowski souhaite laisser son empreinte sur la future proposition avant la fin de son mandat de commissaire en 2024. Reste à voir quelles pourraient en être les propositions alors même que les PSN commencent à peine à se mettre en place ! D’après ses déclarations, la prochaine communication portera probablement sur les « quatre piliers », à savoir : I) la sécurité alimentaire par la fourniture d’aliments sains et abordables ; II) la stabilité de la communauté agricole face aux incertitudes ; III) la production durable dans le respect de l’environnement, du climat et de la biodiversité ; et IV) la solidarité avec l’Ukraine et entre les États membres de l’UE. Enfin, les récents rapports de la Cour des comptes européenne sur la mauvaise gestion des fonds de la PAC constitueront probablement un élément d’attention supplémentaire tant pour la Commission que pour les parties prenantes intéressées.

IMPORTATIONS UKRAINIENNES : UNE REPONSE INSUFFISANTE DE LA COMMISSION EUROPEENNE

Du fait de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la Commission Européenne a mis en place dès mai 2022 des « couloirs de solidarité » destinés à fluidifier la logistique ukrainienne à l’export notamment en matière de produits agricoles. Si ces « couloirs de solidarité » ont connu un grand succès et ont rempli leur rôle, ils ont déstabilisé les marchés locaux des pays limitrophes à l’Ukraine et pénalisé durement les producteurs européens de céréales et d’oléo protéagineux. Cela est particulièrement le cas pour les producteurs de maïs des pays voisins de l’Ukraine (Pologne, Roumanie, Bulgarie…). En effet, les exportations ukrainiennes ont saturé la logistique et le stockage dans ces pays compliquant la commercialisation du maïs local. Par ailleurs, alors que le maïs ukrainien était censé transiter par ces pays pour atteindre les marchés déficitaires de l’Ouest de l’UE (Benelux, péninsule ibérique…), les utilisateurs locaux l’ont préféré au maïs local, car moins cher, causant ainsi de fortes baisses de prix et mettant à mal les exploitations agricoles. Les organisations agricoles nationales ont alerté dès l’automne 2022 les institutions européennes sur l’impact des « couloirs de solidarité » sur leur marché et ont demandé la mise en place de mesures appropriées. Elles ont été soutenues en cela par la CEPM qui a alerté à son tour la Commission Européenne lui demandant de mettre en place des mesures correctives à ces « couloirs de solidarité » ainsi que des mesures de soutien pour les producteurs concernés. En mars 2023, la Commission Européenne a décidé d’activer la réserve de crise de la PAC à hauteur de 56 millions d’euros pour soutenir les producteurs polonais, roumains et bulgares. Ce soutien a toutefois été jugé trop limité, à la fois dans son montant et dans son champ géographique. De nouvelles mobilisations des organisations agricoles ont conduit la Commission à annoncer un second volet de soutien à hauteur de 75 millions d’euros pour les trois premiers pays ainsi que la Hongrie et la Slovaquie. Cela reste insuffisant face à l’ampleur de la crise, d’autant plus qu’aucune mesure
corrective n’a été prise.

RED3 : TRILOGUES CONCLUS

Les accords politiques s’enchainent sur les textes du Paquet 55. Celui sur la RED3 date du 30 mars 2023. Les points d’achoppement portaient notamment sur l’ambition de développement des énergies renouvelables (EnR), l’encadrement de l’usage de la biomasse forestière, et sur l’hydrogène bas carbone nucléaire, qui a obtenu une flexibilité dans l’usage industrie. La RED3 vise désormais 42,5% d’EnR en 2030 avec une option à 45% contre 40% dans le projet, et 32% dans la RED2. La RED3 propose soit une réduction de 14,5% de l’intensité en gaz à effet de serre (GES) des carburants, soit 29% d’EnR dans les transports avec l’aide des comptes multiples. L’un dans l’autre, c’est un doublement de l’objectif dans les transports. Les biocarburants de première génération, comme le bioéthanol de maïs, restent plafonnés dans la continuité de la RED2. C’est un moindre mal alors que des parlementaires voulaient en profiter pour une nouvelle fois tenter de saborder la filière biocarburants agricole européenne. Un point positif est que le plafond de ces biocarburants se calculera sur l’ensemble des transports et non plus seulement sur les transports terrestres. Les biocarburants avancés devront atteindre 5,5% en 2030, dont 1% à partir d’hydrogène. En revanche, du côté du biogaz, il faudra atteindre 80% de réduction de GES progressivement pour toutes les installations, hors usage dans les transports. A la dernière minute, et avec l’aide de pays comme la Pologne ou l’Italie, l’Allemagne a refusé, pour des raisons de politique interne, de soutenir l’accord politique sans une clarification immédiate de la Commission européenne concernant le maintien de la vente de voitures neuves à moteur thermique après 2035 roulant avec des carburants synthétiques, dits e-fuel. Après un bras de fer, l’Allemagne a accepté la proposition de la Commission de modifier le règlement Euro6 sur les émissions des carburants sans toucher à l’accord sur le règlement CO2. Il faudra néanmoins qu’elle obtienne la majorité sur cet acte délégué. Enfin, cela s’est négocié directement entre l’Allemagne et la Commission sur les seuls carburants intéressants l’Allemagne. Seule l’Italie s’est manifestée à ce stade pour soutenir les biocarburants, point d’attention particulier de la CEPM.

NOUVELLE BASE DE DONNÉES DE L’UE SUR LES PRATIQUES DE LA LUTTE INTÉGRÉE CONTRE LES RAVAGEURS

À la demande de la Commission européenne, le Centre commun de recherche (JCR) a publié une nouvelle base de données sur les pratiques de lutte intégrée contre les ravageurs (IPM). Cette base de données se présente sous la forme d’un outil de visualisation permettant aux parties intéressées de rechercher les documents relatifs à la lutte intégrée contre les ravageurs élaborés dans les
différents États membres pour des cultures ou des groupes de cultures spécifiques. Au total, la base de données contient 273 lignes directrices et 1342 pratiques de lutte intégrée contre les ravageurs. L’objectif est d’encourager l’utilisation d’une approche de lutte  intégrée contre les ravageurs qui soit la mieux adaptée aux conditions agricoles et climatiques locales et régionales.
Avec les procédures accélérées d’approbation des solutions biologiques, la Commission européenne espère que cette nouvelle base de données aidera les agriculteurs dans leurs efforts pour mettre en oeuvre les objectifs inscrits dans le règlement sur l’utilisation durable des pesticides (SUR) récemment proposé, ainsi que les obligations découlant des bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) issues de la politique agricole commune (PAC) de l’UE. Les producteurs de maïs européens prennent très au sérieux la nécessité d’appliquer et de suivre les derniers
développements en matière de lutte intégrée contre les ravageurs. Cependant, il est important de protéger efficacement les cultures afin d’éviter la dégradation des rendements et de leur durabilité. Lorsque les agriculteurs perdent des solutions, ils peuvent facilement se retrouver dans une impasse technique ! La CEPM continuera à soutenir la capacité des agriculteurs à disposer d’une boîte à outils aussi complète que possible.