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Taxonomie et agriculture, la dernière folie bureaucratique

Ce dossier qui trouve ses origines dans l’Accord de Paris sur le climat était passé sous le radar car donnant l’impression d’un exercice théorique et sans réel lien avec le concret. L’idée générale de la
Taxonomie est de réserver les investissements et donc les financements à des produits en ligne avec l’objectif de neutralité carbone en 2050. Objectif louable, mais qui préparé par une équipe de bureaucrates ne repose sur aucune étude d’impact, tout comme le Green Deal lui même en est dénué. Dans les annexes du projet d’acte délégué de la Commission on note tout au long des 700 pages ( ! ) un manque de rigueur scientifique flagrant et une non-prise en compte des progrès
techniques, comme si la neutralité carbone devait être atteinte « toutes choses égales par ailleurs ».
L’agriculture a été absente des travaux préparatoires et absente aussi du Groupe d’experts réuni par la Commission et c’est avec étonnement que l’on découvre une sorte de mise sous tutelle de l’agriculture, de la forêt, des bio-carburants et des industries de première transformation par toute une série de dispositifs a priori non contraignants mais qui vont en réalité encadrer nos activités de production. L’agriculture se trouve ainsi menacée par une couche de complexité et de contraintes
allant au-delà des dispositions de la PAC récemment négociées et dont l’encre est à peine sèche. Ceci vaut aussi pour les bio-carburants dont le profil environnemental ne semble pas correspondre à la trajectoire de décroissance voulue par le Green Deal. Le projet d’acte délégué vient de faire l’objet d’une consultation publique à laquelle nous avons répondu. La Commission en tiendra-telle compte ? Ou adoptera-t-elle son acte délégué ? Si tel était le cas, il faudra se mobiliser pour convaincre le Conseil des Ministres ou le Parlement européen d’apporter son véto à un tel projet.

ÉVÉNEMENT « AGRICULTURE ET PROGRÈS » COMMENT DONNER VIE AU CONCEPT DE « CARBON FARMING » ?

Les discussions autour du « carbon farming » (en français, «stockage du carbone dans les sols agricoles »), au fur et à mesure qu’elles se développent, contribuent à clarifier le concept. Mais, concrètement, comment pouvons-nous concrétiser sa mise en oeuvre ? Le 13 novembre 2020, la plateforme Agriculture & Progrès a organisé un webinaire sur le sujet « Carbon Farming –
Comment donner vie à ce concept innovant » sous le patronage de la députée européenne Irène Tolleret. Parmi les intervenants figuraient Nicola Di Virgilio de la DG Agriculture de la Commission européenne, Dr Rolf Sommer, directeur du WWF Allemagne, et Edouard Lanckriet d’Agrosolutions.

Avec de nouveaux objectifs climatiques pour 2030 et un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % par rapport à 1990, l’UE focalise son attention sur le secteur agricole. Alors que le Green Deal progresse, il est important de rappeler que bien que le secteur agricole soit
responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre, nous ne devons cependant pas sous-estimer son rôle crucial dans la séquestration du carbone dans les terres agricoles. « Les agriculteurs sont la solution pour lutter contre le changement climatique, pas le problème », a déclaré la députée
européenne Irène Tolleret lors du webinaire du 13 novembre. Le carbon farming peut être un outil pour les agriculteurs afin de participer à un monde plus vert, même si ce n’est pas un remède miracle. Pour cela, il est cependant nécessaire que l’UE apporte un soutien fort aux agriculteurs et encourage le carbon farming. Dr Rolf Sommer, lors du même webinaire, a mis en garde son
auditoire : « en tant que mesure isolée, le carbon farming n’est pas suffisant ». Nous devons également avoir des objectifs de réduction ambitieux dans tous les secteurs. Dans cette perspective, le carbon farming présente plusieurs avantages (augmenter la séquestration du carbone dans les terres, favoriser la fertilité des sols, protéger nos sols déjà riches en carbone, etc.) et ce sont les agriculteurs qui peuvent réellement séquestrer le carbone. Il est toutefois nécessaire que l’UE apporte un soutien important aux agriculteurs et encourage le Carbon Farming.

Comme le souligne Edouard Lanckriet, le stockage du carbone dans les sols agricoles est l’une des rares mesures environnementales compatibles avec la plupart des défis actuels auxquels sont confrontés les agriculteurs. Nous avons besoin de meilleures incitations pour les agriculteurs, et de créer un meilleur modèle économique pour eux. Nous avons besoin de calculateurs de carbone entre les mains des agriculteurs, qui sont ceux qui connaissent le mieux leurs exploitations, leurs sols et leurs écosystèmes, ce qui implique une certaine flexibilité et une certaine liberté pour mettre en oeuvre le projet. Nicola Di Virgilio a souligné lors du webinaire que « les questions politiques doivent être abordées » et que le contexte local doit être pris en compte. Il est nécessaire de définir les bases de référence, le suivi, les rapports et la transparence. Nous avons également besoin d’une règle de certification solide ainsi que d’une base de référence afin d’éviter de perdre du carbone. Comme tous les sols ne sont pas identiques, nous pourrions avoir besoin d’une mosaïque assez hétérogène. Le carbon farming n’est que l’un des concepts qui peuvent apporter de la solidité à une UE verte, mais pour qu’il devienne une réalité, des mesures politiques concrètes et de grande envergure sont nécessaires. Le succès de ce webinaire, avec 150 inscrits, montre le fort intérêt dans la sphère européenne agricole autours de ce sujet. Vous pouvez trouver plus d’information sur le site web de la plate-forme www.agriprogress.info.