AGPM Info technique n° 542 – Novembre-Décembre

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Le nettoyage du maïs en appui pour limiter les risques sanitaires liés au datura

Le nettoyage du maïs par criblage et aspiration reste une méthode efficace pour éliminer les graines de datura même si son efficacité est moindre sur la réduction de la teneur en alcaloïdes résiduels. La proportion de lots contaminés qui reste au-delà du seuil règlementaire après nettoyage est faible (6 %).

Le chiffre du mois : 24 à 38 % , c’est le nombre d’échantillons de maïs qui dépassent la règlementation alcaloïdes entre 2018 et 2023 avant toute opération de nettoyage.

LE NETTOYAGE DU MAÏS POUR GÉRER LES RISQUES SANITAIRES

LE NETTOYAGE, UN OUTIL EFFICACE MAIS PAS TOUJOURS SUFFISANT POUR RÉDUIRE LA PRÉSENCE D’ALCALOÏDES ISSUS DU DATURA.

Le Datura stramoine (Datura stramonium L.) pose des problèmes sanitaires importants en raison de ses taux en alcaloïdes, notamment l’atropine et la scopolamine qui sont règlementées. Chaque partie de la plante (tige, feuille, fruits, graines et racines) en contient. Plante estivale, le datura est susceptible de contaminer les parcelles des cultures semées au printemps telles que maïs, millet, sorgho, sarrasin, soja ou tournesol, et par conséquent, d’en contaminer les récoltes. Si sa présence est signalée historiquement dans le Sud-Ouest, sa présence est aujourd’hui répandue sur l’ensemble du territoire national. Toutes les régions françaises voient la pression augmenter ; au gré d’une part de l’élévation des températures et d’autre part de la circulation des matériels de travaux au champ. Dans un objectif de protection des consommateurs, des seuils maximaux en alcaloïdes tropaniques ont été fixés pour la nutrition humaine dans l’Union Européenne (Reg (UE) 2023/915). Pour le maïs, ces seuils, s’appliquant à la somme de l’atropine et de la scopolamine, varient de 5 μg/kg pour le maïs destiné à la fabrication de pop-corn ou directement destiné au consommateur final, à 15 μg/kg pour le maïs mis en marché en vue d’une première transformation. Des enquêtes menées à la récolte ont montré qu’entre 24 % et 38 % des échantillons prélevés à l’entrée des silos de collecte (avant tout travail de nettoyage) présentaient des teneurs en alcaloïdes supérieures à 15 μg/kg entre 2018 et 2023.
Le nettoyage efficace pour éliminer les graines de datura…
En post-récolte, la gestion du datura repose principalement sur le nettoyage des grains. Les travaux menés par ARVALIS ont montré une bonne efficacité du nettoyeur-séparateur pour éliminer les graines de datura dans la collecte.
En moyenne le taux d’abattement est de 99.7 %. Pour les doses faibles de Datura (test 0,01 g/kg), tous les taux d’abattement ont été de 100 % (Fig. 1). Pour les doses de Datura plus élevées (test 1 g/kg), un peu plus d’un tiers des lots présentaient un taux d’abattement inférieur à 100 % correspondant à des modalités à un faible niveau d’aspiration. Les taux d’alcaloïdes étaient cependant inférieurs à la norme de 15 μg/kg mais supérieurs à celle du baby-food.

La différence de taille entre les grains de datura et les grains de maïs facilitent l’élimination du datura lors du nettoyage.

Les grilles standard pour le maïs, telles que préconisées par le constructeur de l’appareil de nettoyage (trous ronds 10 mm en émottage et trous ronds 4,5 mm en criblage) conviennent pour séparer le maïs et le Datura. Les graines de Datura se retrouvent principalement dans les déchets mi-lourds et dans les petits grains. Le réglage de l’aspiration détermine fortement le taux d’abattement, bien plus que le débit. En cas de lots fortement contaminés en Datura (test 1 g/kg), il est préférable, par mesure de précaution, de régler l’appareil de nettoyage avec une forte aspiration, notamment si le grain est destiné au baby-food. Pour des lots faiblement contaminés, ici 0,01 g/kg, l’aspiration peut rester faible, de façon à minimiser les freintes.

Mais le nettoyage pas toujours suffisant pour réduire le niveau d’alcaloïdes en-dessous des taux règlementaires.

Avec l’entrée en vigueur de la règlementation alcaloïdes sur les maïs destinés à l’alimentation humaine, des contaminations du maïs hors présence de graines de datura sont régulièrement rapportées. D’après une enquête menée par ARVALIS entre 2017 et 2019 portant sur des échantillons en sortie de parcelles sans graines de datura, 23 % contenaient des alcaloïdes tropaniques, 1 % à des teneurs supérieures au seuil règlementaire (15 µ g/kg). ARVALIS a mené un essai pour quantifier ces teneurs résiduelles en alcaloïdes et identifier le rôle des impuretés dans ces contaminations. L’objectif était également d’évaluer l’efficacité du nettoyage sur ces contaminations résiduelles, hors présence de graines. Après extraction des graines de datura, des échantillons contaminés (sans graines de datura mais contenant des impuretés) sont nettoyés à l’aide d’un nettoyeur-séparateur. Les teneurs initiales en alcaloïdes sont en moyenne de 10,13 μg/kg. Sur 88 échantillons, 54 dépassent les limites de quantification (2 μg/kg) et 16 dépassent le seuil règlementaire de 15 μg/kg. Avec l’opération de nettoyage, la teneur moyenne était de 6,01 μg/kg ; soit un culturesdelta moyen de 4,11 μg/kg représentant l’efficacité du nettoyage. L’efficacité du nettoyage sur la teneur en alcaloïdes est d’autant plus forte que la teneur initiale est élevée. Une corrélation bien que faible existe aussi avec les teneurs en impuretés présentes dans le lot avant nettoyage ; les impuretés pouvant contenir des fragments de graines de datura. Sur les 88 échantillons après nettoyage, 47 des échantillons atteignaient les limites de quantification et 5 dépassaient le seuil règlementaire de 15 μg/kg (près de 6 %). Sur les 16 échantillons avec des teneurs en alcaloïdes supérieures à 15 µ μg/kg avant nettoyage, 11 échantillons nettoyés sont ramenés en dessous des seuils règlementaires, soit environ 69 %.

Le nettoyage a remis aux normes 69% des échantillons non conformes

Le nettoyage effectué, combinant criblage et aspiration, a permis de diminuer significativement la teneur en alcaloïdes des échantillons. Cependant, près de 6 % des échantillons nettoyés dépassaient encore la limite réglementaire, l’échantillon le plus contaminé atteignant 99,6 μg/kg après extraction des graines de datura et nettoyage de l’échantillon. Begemann et al. (2021) a démontré qu’une manipulation imitant les mouvements des grains lors de transports et manutentions successives d’un lot de millet contenant des graines de datura contribuait à augmenter sa contamination en alcaloïdes une fois les graines de datura enlevées, en raison d’une abrasion des graines de datura pendant la manipulation des grains. Dans ce même travail, l’attrition des graines de datura provoquée par le nettoyage par criblage des échantillons s’est traduite par une perte de masse des graines de datura de 6,6 à 6,8 % corroborant cette possibilité d’une contamination par des poussières de graines de datura contenant des alcaloïdes et susceptibles d’adhérer au maïs même après nettoyage. Toutes les parties de D. stramonium contenant des alcaloïdes, on ne peut non plus exclure une contamination invisible par de la sève lors de la récolte.

CE QU’IL FAUT RETENIR
• Le nettoyage est efficace pour éliminer les graines de datura (99,97% des graines supprimées). Mais il ne permet pas systématiquement d’éliminer toutes traces d’alcaloïdes
• Dans le cas d’alcaloïdes résiduels (hors graines de datura), le nettoyage présente une efficacité significative avec une réduction moyenne de 4,11µg/kg (pour une teneur moyenne sans nettoyage de 10,13 µg/kg) et la remise aux normes près de 70% des échantillons non conformes.
• L’efficacité du nettoyage est d’autant plus élevée que la teneur en alcaloïdes résiduels sans nettoyage ET la teneur en impuretés sont élevées.
• La manipulation des lots de maïs contenant des graines de datura pourrait contribuer à enrichir le lot en alcaloïdes résiduels en raison d’une abrasion des graines de datura. Le rôle de la sève dans cette contamination reste encore à quantifier.