Choisir la bonne précocité pour limiter ses coûts de séchage ! Après deux campagnes marquées par des conditions climatiques extrêmes, 2024 a suivi un tout autre scénario : des semis retardés et une fin de cycle fraîche et humide. Face à l’enchainements de campagnes très différentes sur le plan climatique, faut-il adapter la précocité des variétés de maïs ou privilégier une approche plus stable ? Les arguments à considérer sont techniques mais aussi économiques.
Le chiffre du mois : 255, c’est le nombre d’essais mis en place en 2024 dans le cadre du réseau d’évaluation variétale post-inscription ARVALIS-UFS section maïs
PRÉCOCITÉ DES VARIÉTÉS : FAIRE LE BON CHOIX
Après 2 campagnes caractérisées par une offre climatique en températures élevée et une fin de cycle rapide ; l’année 2024 a été tout l’inverse : très tardive, en raison d’un retard dans les semis et d’une fin de cycle fraîche et humide.
Pour faire face à des campagnes si différentes, faut-il faire évoluer le niveau de précocité des variétés de maïs de sa sole ? Trois éléments permettent de répondre à
cette question : l’optimisation du potentiel de rendement, la réduction des coûts de séchage et la date de récolte.
• Opter pour une variété plus tardive, c’est optimiser le potentiel de rendement de sa culture. A l’inverse, le choix d’une variété plus précoce, dont le cycle de végétation sera plus court, entrainera un potentiel de rendement plus faible.
• Réduire son coût de séchage, en se fixant un objectif d’humidité à la récolte.
• Viser une date de récolte précoce a deux avantages : il sécurise l’implantation de la culture suivante ou d’un couvert, et garantit une meilleure préservation
de la qualité sanitaire. L’année 2024 l’a rappelé : à partir de novembre, les niveaux de toxines, en particulier DON et ZEA (produites par des fusarioses de type Graminearum) augmentent au fur et à mesure du temps.
Le premier point à considérer est l’offre climatique en températures. Pour un secteur donné, elle va grandement dépendre de la date de semis. Les cartes ci-dessous (figure 2) montrent les sommes de températures atteignables en fonction de la date de semis et pour différents taux d’humidité à la récolte (fixée au 15 octobre). Ces cartes sont assez sécuritaires, puisqu’elles représentent la somme de températures (base 6-30) atteignable 8 années sur 10.
On considère également la plus-value d’une variété plus tardive par rapport à une variété plus précoce. Au sein d’un même groupe de précocité, le rendement net d’une variété plus tardive est en moyenne supérieur de 0,75 à 2 q/ha par point d’écart d’humidité à la récolte (base de données réseau variétés post-inscription 2003-2023) ; alors qu’un point d’humidité coûte environ 1,25 q/ha en frais de séchage selon les barèmes 2024. Il est certainement plus intéressant sur un
plan technico-économique de limiter le risque lié à une variété trop tardive relativement à l’offre climatique de son secteur. Un point souvent mis en avant est l’intérêt d’une variété plus précoce pour esquiver les stress climatiques estivaux. L’objectif est de dépasser la période de sensibilité maximale au stress hydrique du maïs, qu’il soit pluvial ou irrigué. Pour le maïs pluvial, il s’agit d’éviter que la floraison ne coïncide avec un déficit hydrique qui s’installe et devienne trop intense. En maïs irrigué, ce choix peut permettre d’atteindre le stade « floraison », crucial pour la quantité de grains mis en place, voire de commencer le remplissage du grain, avant une restriction d’irrigation. En pratique, que montrent nos essais sur ces stratégies dites « d’esquive » ? Deux séries d’essais se distinguent.
La première série d’essais a été réalisée en Charente pendant trois campagnes (2014-2016). Dans ces essais (figure 3), différents régimes hydriques ont été
comparés pour plusieurs précocités : non limitant, arrêt précoce à 125 ou 175 mm, pluvial. En non limitant, comme en pluvial, aucun effet significatif de la précocité, n’est observé ni sur le rendement brut ni sur le rendement net. En revanche pour un régime avec arrêt précoce de l’irrigation, une réponse est observée. Elle varie selon l’année : en régime irrigué, le changement de précocité n’a pas d’effet deux années sur trois. L’année 2015 montre cependant un avantage aux variétés plus tardives. Cette dernière observation résulte d’un retour de la pluviométrie en fin de cycle plus profitable aux variétés les plus tardives. L’effet d’esquive n’a donc pas pu être mis en évidence pour une même date de semis. L’intérêt de semer dès le premier créneau de semis pour « esquiver » les risques
climatiques n’est plus à démontrer, mais l’intérêt de l’esquive par la précocité pour une même date de semis semble présenter moins d’intérêt ; du moins avec le climat actuel. Une autre série d’essais, conduits dans le Sud-Ouest majoritairement et incluant deux essais du Centre de la France, entre 2017 et 2019 (14 essais regroupés) montrent des résultats similaires (figure 4). Dans ces essais, mené en conditions limitantes en eau, avec des rendements moyens par précocité allant de 92,7 q/ha (G1) à 103,4 q/ha (G4), les variétés tardives restent en tête ; et ceci y compris en tenant compte des coûts de séchage (grille 2024). Deux points d’humidité environ séparent le groupe précoce (G1) du groupe demi-tardif (G4). L’impact de la précocité sur le rendement varie entre années, d’autant plus en conditions limitantes. Le choix d’une variété plus précoce pour « esquiver » le risque climatique n’est pas toujours gagnant. L’intérêt va dépendre du
climat en fin de cycle. La date de semis reste le meilleur levier sur ce point. Si une variété précoce consomme moins d’eau (25-30 mm selon nos essais), le besoin en irrigation n’est pas forcément différent, là encore, cela dépend de la pluviométrie en fin de cycle.
Cependant si on considère le résultat économique, le choix d’une variété plus précoce sécurise la récolte et réduit les frais de séchage. L’offre climatique en températures reste donc le premier critère de choix pour choisir la précocité de ses variétés, en considérant un objectif d’humidité à la récolte. A l’échelle de l’exploitation, il est conseillé de panacher les précocités pour répartir les risques climatiques et sanitaires ; en tenant compte des dates de semis, de
la rotation et des contraintes logistiques de son exploitation. En contexte limitant en eau, on privilégiera des variétés qui présentent un bon niveau de rendement et de la régularité.