AGPM Info technique 513

Télécharger

Les risques économiques sont désormais bien présents dans certaines régions

Les captures de chrysomèles sont en hausse encore cette année. Des dégâts sont observables dans les zones les plus touchées. Il est temps de mettre en œuvre les recommandations techniques adaptées pour éviter de s’exposer à un risque de nuisibilité important. L’interruption de la monoculture reste aujourd’hui la solution la plus efficace pour éliminer près de 100% de la population et assainir la parcelle.

Le chiffre du mois 20 % et 35 % c’est la proportion, respectivement en Alsace et en Rhône-Alpes, des parcelles surveillées à l’aide de pièges chromatiques en 2021 qui dépassent le seuil de 5 individus par piège et par jour. La rupture de monoculture doit être mise en œuvre sans tarder dans ces parcelles.

CHRYSOMÈLE : UN RAVAGEUR DU MAÏS À NE PAS NÉGLIGER

Depuis le début des années 2000, la chrysomèle du maïs est présentée comme une menace susceptible d’occasionner des dégâts sur maïs. Si les risques étaient initialement plutôt d’ordre réglementaire, les risques économiques sont désormais bien présents dans certaines régions.

Des symptômes imputables à la chrysomèle du maïs ont en effet été observables sans aucune difficulté dans les régions les plus infestées : en plaine d’Alsace, dans la vallée du Grésivaudan, Combes de Savoie et dans les marais de Bourgoin-Jallieu. Certes, les dégâts économiques restent très limités en 2021 grâce à une météo estivale peu stressante, mais nul doute qu’un climat plus sec au cours de l’été aurait eu un impact important dans de nombreuses parcelles de ces secteurs. Il est grand temps de mettre en oeuvre les recommandations techniques adaptées pour éviter de s’exposer à un risque de nuisibilité récurrent.
Les régions Alsace et Rhône-Alpes ne sont pas les seules à être concernées par une progression de la chrysomèle du maïs. En 2021, l’insecte a poursuivi sa conquête du territoire avec de nombreux foyers confirmés ou nouvellement identifiés ailleurs en France. Ainsi en Nouvelle-Aquitaine, la chrysomèle du maïs a été capturée dans la quasi-totalité des départements avec désormais 10 foyers dans l’ancienne région Aquitaine et une présence assez généralisée dans les départements de la Charente et de la Charente-Maritime. En Bourgogne Franche-Comté, plus de la moitié des pièges sont positifs ce qui confirme que la chrysomèle est bien installée (notamment en Saône et Loire, Jura et Territoire de Belfort). A noter également deux foyers (ré)identifiés en Champagne-Ardenne. Dans ces secteurs, les niveaux de captures n’inspirent pas d’inquiétude mais mieux vaut poursuivre la surveillance et anticiper les mesures de lutte pour freiner le développement des populations.

ALSACE ET RHÔNE-ALPES : IL EST TEMPS D’AGIR

Dans les secteurs concernés par des populations abondantes, les pièges à phéromone ont été remplacés par des pièges chromatiques (pièges jaunes) qui permettent de mieux évaluer l’abondance de population. La surveillance réalisée en 2021 montre que l’abondance de population a logiquement progressé dans les deux secteurs géographiques. Dans les secteurs de la région Rhône-Alpes, environ un tiers des parcelles surveillées dépasse le seuil de 5 adultes capturés par piège et par jour (20 % > 10 ad/piège/j), 20 % en Alsace (8 % > 10 ad/piège/j)Les seuils de 5 et 10 adultes capturés par piège et par jour sont des seuils guides utilisés respectivement aux États-Unis et en Italie et au-delà desquels il est recommandé de ne pas cultiver de maïs l’année suivante dans la parcelle concernée (même avec une protection insecticide dont l’efficacité s’avèrerait trop limitée). Les seuils de risque devront être ajustés aux conditions pédoclimatiques rencontrées dans les différents terroirs. Néanmoins, compte tenu des observations réalisées en culture ces dernières années, ces seuils établis ailleurs semblent suffisamment pertinents pour appréhender le risque dans les conditions françaises.

QUELS MOYENS POUR LUTTER CONTRE LA CHRYSOMÈLE DU MAÏS ?

La chrysomèle du maïs est un insecte qui a conquis de nombreux terroirs maïsicoles avant d’arriver en France. Partout, les producteurs ont adapté leur itinéraire technique, en fonction des moyens techniques à leur disposition, pour continuer à cultiver du maïs. Pour anticiper, Arvalis réalise depuis 2004 des essais dans des situations exposées à de fortes pressions de chrysomèle du maïs. Le levier le plus efficace consiste à rompre la culture de maïs dans la parcelle durant une année. En effet, l’insecte a besoin de consommer des racines de maïs durant son stade larvaire pour accomplir son développement. En absence de maïs au cours du printemps qui suit les pontes (déposées l’été précédent), la quasi-totalité de la populationde la chrysomèle du maïs présente dans la
parcelle sera anéantie. Une seule année suffit pour détruire près de 100 % de la population et assainir la parcelle. Lorsque du maïs sera à nouveau cultivé, des adultes de chrysomèle du maïs  provenant des parcelles environnantes viendront à nouveau déposer des oeufs dans la parcelle où la population augmentera d’autant plus vite que :

• la densité de parcelles où la culture de maïs succède à une autre culture de maïs est importante dans la petite région agricole oùse situe la parcelle,
• les parcelles sont de petite taille, facilitant la propagation des adultes d’une parcelle à l’autre,
• le type de sol et les conditions d’humidité du sol au cours du printemps favorisent la survie des jeunes larves. A noter que les sols sableux sont défavorables à la chrysomèle du maïs, tout comme les sols hydromorphes et très humides au moment de l’éclosion des oeufs en mai.

Ne pas cultiver de maïs durant une année est un levier efficace mais coûteux si aucune autre culture ne permet de dégager une marge économique équivalente à celle du maïs. C’est pourquoi cette mesure doit être mise en place en priorité dans les parcelles où les adultes de chrysomèle du maïs ont été les plus abondants l’année précédente. l’exposition de la plante au stress hydrique et
à un risque de verse (cf. photo). En situation de faible infestation, où il n’y a pas de risque de dommage économique, l’application d’une protection insecticide ne sera pas rentabilisée car elle ne procurera pas de gain de rendement. Lorsque l’abondance de population dépasse les seuils de risque l’emploi d’une protection insecticide au semis ne sera plus suffisante. Aucune protection insecticide appliquée au semis ne sera suffisante pour endiguer une population abondante de chrysomèle du maïs. Parallèlement à la lutte contre la chrysomèle du maïs, il convient d’adapter l’itinéraire technique du maïs pour que les dégâts occasionnés par les larves aient une nuisibilité limitée. Pour cela, toutes les mesures favorisant la rhizogenèse du maïs seront bénéfiques (préparation du sol soignée, semis précoce et apport d’engrais starter).

DES RECOMMANDATIONS DE SURVEILLANCE ET DE LUTTE ADAPTÉES SELON L’ABONDANCE DE POPULATION

Concrètement, il est recommandé de ne pas cultiver de maïs en 2022 dans les parcelles de maïs où les captures sur pièges chromatiques dépassent 5 individus par pièges et par jour en 2021. La rupture de monocultures doit être mise en oeuvre sans tarder dans ces parcelles. Dans les secteurs où les populations s’installent, le nombre de parcelles ayant fait l’objet de captures de chrysomèle du maïs est désormais trop élevé pour imaginer mettre en place des mesures visant l’extinction de ces foyers. Si les éventuels dégâts ne sont pas envisagés à courte échéance, il est opportun :

• de poursuivre la surveillance en continuant le déploiement de pièges à phéromone afin d’avoir un suivi des populations de chrysomèle du maïs dans l’espace et dans le temps,
• de ne pas cultiver de maïs l’année suivante dans les parcelles avec un niveau de capture élevé. Cette mesure présente en effet un grand intérêt pour perturber l’installation du ravageur.

Enfin, dans les zones géographiques a priori non infestées à ce jour, il est recommandé de poursuivre la surveillance de la chrysomèle du maïs en positionnant des pièges à phéromone en priorité dans les parcelles de monoculture de maïs situées à proximité immédiate d’une aire de stationnement, d’une zone industrielle avec trafic routier ou aéroportuaire, d’une zone touristique… car il s’agit souvent de point d’entrée de la chrysomèle du maïs dans un nouveau territoire.