AGPM Info Technique 507

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Signalez tout dégât de corvidés

Les dégâts dus aux attaques d’oiseaux ont été particulièrement fréquents et nuisibles au printemps 2020. C’est notamment vrai pour les corvidés : corbeaux freux, corneilles, choucas des tours. Pour faire évoluer le classement de ces oiseaux et les inscrire sur la liste des espèces nuisibles, il est indispensable que chaque dégât constaté fasse l’objet d’un signalement. C’est possible via des formulaires mis à disposition par les organismes départementaux (DDT, FDSEA, Chambre d’Agriculture, FNC…).

Le chiffre du mois : 7,5 %. C’est le pourcentage de surface concernée par des attaques de corvidés en moyenne en France. (Source : expertise Arvalis).

LUTTER CONTRE LES DÉGÂTS DE CORVIDÉS

Cette année encore, des attaques de corvidés ont été signalées sur l’ensemble du territoire. Elles ont été intenses dans beaucoup de région de la moitié nord : Alsace (corbeau freux), Hauts-de-France (corneilles, corbeau freux), Centre Val de Loire (corneilles) et Bretagne (corneilles, choucas des tours). L’ampleur des dégâts constatés au niveau national en 2020 rappelle la situation des années 2000, mais en pire dans certaines régions.

POURQUOI LES DÉGÂTS SONT-ILS EN HAUSSE ?

Plusieurs éléments peuvent être avancés pour expliquer la résurgence de ce problème.
• La protection des semences de maïs a quasiment disparu. En 2018, la quasi-totalité de la sole de maïs bénéficiait d’une protection à l’aide de thirame (Gustafson) associé ou non à du thiaclopride (Sonido), deux substances qui ont démontré leur intérêt pour la protection des semis contre les dégâts de corvidés.
En 2019, le thiaclopride n’était plus disponible mais le thirame couvrait encore environ 75 % de la sole de maïs pour sa dernière année d’utilisation. En 2020, seul le produit Korit 420FS à base de zirame était disponible mais très peu répandu (3 à 5 %), soit plus de 95 % de la sole non-protégées contre les corvidés !
• Les semis ont souvent été réalisés dans des conditions sèches. Lorsque le lit de semences est sec ou motteux, l’accès aux graines et plantules est grandement facilité ce qui favorise les dégâts de plus grande ampleur. Les années au cours desquelles les dégâts de corvidés ont été les plus importants sont caractérisées par des conditions chaudes et sèches au moment des semis. Mais toutes les années chaudes et sèches en période des semis ne sont pas systématiquement concernées par d’importants dégâts de corvidés. D’autres facteurs explicatifs influencent donc également les attaques de ces ravageurs.

• La question de l’évolution de l’abondance des populations de corvidés est souvent posée. Selon les données acquises dans le cadre de l’étude de Suivi Temporel des Oiseaux Communs (STOC) réalisée par le Muséum National d’Histoire Naturelle et publiée sur le site vigienature.fr, l’évolution des populations d’oiseaux diffère selon l’espèce considérée ; le corbeau freux connait une baisse de population (-36 % au cours des 18 dernières années), la population de corneille noire est stable et celle du choucas des tours a décliné ces 30 dernières années mais tend à se reconstituer (source : vigienature.fr). A l’échelle nationale, les travaux du Museum National d’Histoire Naturelle ne permettent donc pas de mettre en évidence une augmentation significative des populations de corvidés au cours de ces dernières années.
• Selon des ornithologues, le climat du printemps influence les périodes de couvaison, d’éclosion et par conséquent, des pics de besoins alimentaires des adultes qui doivent nourrir les jeunes oiseaux au nid. Des conditions particulièrement douces en sortie hiver – début de printemps seraient propices à faire coïncider le stade de sensibilité du maïs en début de cycle avec la période de fort besoin alimentaire des corvidés. Cette hypothèse mérite d’être validée par de nouvelles observations.

QUELLES SOLUTIONS POUR PROTÉGER LES SEMIS ?

A défaut de disposer d’une solution complètement satisfaisante pour la protection des semences et plantules de maïs, la seule réponse est de mettre en œuvre une protection intégrée avec la combinaison des quelques leviers disponibles. La protection des prochains semis commence dès maintenant et peut être mise en oeuvre sans plus attendre pour le corbeau freux et la corneille noire. Ces espèces sont classées parmi les espèces nuisibles. La réglementation nationale relative à la régulation des espèces nuisibles autorise le piégeage (toute l’année) et le tir (à certaines périodes) dans la plupart des départements. Cette réglementation évolue fréquemment. Il est préférable de consulter l’arrêté du 3 juillet 2019 – JO du 6 juillet 2019. Le choucas des tours ne figure pas parmi la liste des espèces nuisibles et n’est donc pas concerné par la réglementation précitée. Compte tenu des dégâts occasionnés, des mesures de régulation peuvent néanmoins être autorisées localement grâce à des arrêtés préfectoraux qui précisent alors le nombre d’individus pouvant être prélevés.

L’adaptation des pratiques agronomiques peut contribuer à abaisser l’exposition des maïs aux attaques de corvidés sans pour autant garantir l’absence d’attaques :
• la date de semis ; grouper les semis permet de diluer les attaques. Il convient donc d’éviter les semis décalés dans l’espace et dans le temps. Une parcelle de maïs isolée géographiquement ou dans le temps (semis tardif par exemple) aura toutes les chances de concentrer les individus, et donc les dommages,
• éviter les préparations en conditions trop sèches pour ne pas avoir des sols motteux ou soufflés, favorables aux dégâts d’oiseaux, tout en évitant de semer trop tôt après le labour (en sol limoneux). Un compromis doit être trouvé pour satisfaire ces conditions pouvant parfois être antagonistes.
• rappuyer correctement la ligne de semis : des différences sont notables selon le type de préparation de sol et le type de semoir,
• si les conditions le permettent, privilégier un semis profond (4-5 cm ou plus profond). Les dégâts seront ralentis à défaut d’être empêchés, A l’inverse, certaines situations seront plus favorables aux attaques de corvidés :
• faible vitesse de levée du maïs (conditions climatiques défavorables, semis profond, sol argileux) et croissance ralentie jusqu’au stade 4-5 feuilles

• situations favorables à l’activité biologique du sol et la présence de macrofaune du sol (techniques culturales sans labour, semis sous couvert, présence de résidus et de graines, apport de fumier…) dont des ravageurs telluriques. Il existe une solution pour protéger le maïs contre les attaques de corvidés : le produit Korit 420FS (traitement de semence, substance active : thirame) est homologué et disponible pour les prochains semis 2021 et peut donc être utilisée pour protéger les semences des parcelles exposées à un risque d’attaque de corvidés.
Sur le plan technique, les essais réalisés par Arvalis ont permis de démontrer l’intérêt corvifuge du produit Korit 420FS : les semis protégés avec cette solution sont nettement mieux préservés que les semis disposant uniquement d’une protection fongicide (Inlfux xl) ou fongicide + insecticide (Influx xl + Force 20CS) qui ne présente pas d’intérêt pour la protection contre les corvidés.
Korit 420FS présente donc un intérêt technique à un niveau comparable aux solutions à base de thirame (désormais non disponibles) même si le niveau de protection demeure partiel, voir largement insuffisant lorsque les populations de corvidés sont trop abondantes et que les conditions agronomiques et climatiques sont favorables aux attaques d’oiseaux. Aucune autre solution disponible à ce jour – autorisée pour l’usage corvifuge ou n’importe quel autre usage permettant une mise en marché – n’a démontré d’intérêt technique dans nos essais pour la protection contre les attaques de corvidés.

Sur le plan réglementaire, Korit 420FS présente les mentions de danger H330, H373, H317, H335 et H401 qui contraignent son application sur semences. Comme pour n’importe quelle solution phytopharmaceutique, l’utilisation de ce produit ne peut donc pas être généralisée et doit être réservée aux parcelles concernées par un risque d’attaque par les ravageurs ciblés. Enfin, en cas d’attaques sur vos prochains semis, signaler les dégâts subis via les formulaires mis à disposition par les organismes départementaux (DDT, CA, FDSEA, FNC selon département…). Le recensement des dégâts occasionnés par les espèces d’oiseaux est pris en considération pour l’étude de leur classement sur la liste des espèces nuisibles.