AGPM Info économique N°606 – Novembre-Décembre

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Crise agricole AVEC précédent : bis repetita !

A nouveau, le monde agricole affronte une crise majeure qui affecte profondément l’ensemble de nos filières. Les céréaliers n’y échappent pas : revenus négatifs pour
la 3ème année consécutive,budget de la PAC élagué,  danger du MACF et menaces de l’accord MERCOSUR ; de nouvelles turbulences qui fragilisent un secteur essentiel
à notre sécurité alimentaire et à nos territoires. Mais nous refusons la fatalité : l’agriculture française ne sera pas sacrifiée sur l’autel d’accords commerciaux, de normes
déconnectées du réel et de décisions délirantes. Nous exigeons des actes, pas des discours. La résignation n’est pas une option : le combat continue et continuera.

Le chiffre du mois : 10 000, c’est le nombre d’agriculteurs européens présents à Bruxelles le 18 décembre pour se battre contre le MERCOSUR, le MACF et pour un budget de la PAC ambitieux.

CONGRÈS DU MAÏS 2025

UN TEMPS FORT POUR LA MAÏSICULTURE FRANÇAISE

Les 18 et 19 novembre derniers se tenait l’édition 2025 du Congrès du Maïs à Orléans. Cet évènement annuel a permis de rassembler les acteurs de la filière maïs et leurs parties prenantes autour d’un thème central : « L’agriculture, une arme de guerre économique : quelle stratégie pour la filière maïs ? ». Pour répondre à cette question et aborder lesdifférentes problématiques auxquelles est confrontées la filière française demaïs, près de 500 personnes étaient présentes. La première séance publique, celle de l’AGPM Maïs Semence, a porté sur l’intégration de l’Ukraine dans l’Union européenne et ses conséquences pour la filière maïs semence. Olivier Antoine, directeur du cabinet ORAE Géopolitique, a présenté une étude mandatée par l’AGPM, évaluant les impacts et les enjeux de cette intégration. Il a notamment exposé deux scénarios qui,
selon l’orientation politique future de l’Ukraine, pourraient remettre en cause la compétitivité des producteurs européens et rendre nécessaire une régulation pour limiter l’effet des importations de semences ukrainiennes. Il a ensuite laissé la place à Franck Laborde, président de l’AGPM, Alexandre Tchesnakoff, membre du comité exécutif du Crédit Agricole en Ukraine et Xavier Thévenot, secrétaire de l’UFS et directeur adjoint de Syngenta France qui ont échangé sur la menace représentée par l’Ukraine pour le leadership français sur le marché des semences. Dans un même temps, s’est tenue l’Assemblée générale de la section maïs et sorgho de l’UFS qui elle, a permis de
se pencher sur le progrès génétique du maïs, son évaluation, ses impacts pour les filières et les attentes des différents acteurs. Les échanges entre Romain Valade, chef du service adaptation des cultures aux agro-climats d’Arvalis, Bruno Ben Saïd, responsable international des achats de matières premières chez Roquette, Loïc Aubry, chef marché ensilage chez Corteva et Valérie Garcia, agricultrice et administratrice de Terrena, ont permis de souligner l’importance d’une collaboration renforcée pour
connecter davantage l’innovation variétale aux besoins du marché. La troisième séance publique de la journée, celle de la FNPSMS, après une première partie statutaire consacrée notamment à revenir sur le rapport d’activités de l’année, s’est concentrée à l’étude du rôle des tensions internationales, des conflits et des bouleversements climatiques dans les équilibres agricoles mondiaux ainsi que sur la place stratégique qu’occupe la souveraineté semencière en filière maïs. Pierre Blanc, enseignant et chercheur en géopolitique à Bordeaux Science Agro et Science Po Bordeaux et rédacteur en chef de Confluence Méditerranée, a apporté des clés de lecture permettant
de comprendre les défis et les ambitions de la filière semencière française. En clôture de la première journée de ce congrès 2025, s’est tenue l’Assemblée générale de l’AGPM. A cette occasion, le syndicat a convié Brice Lalonde, ancien ministre de l’Environnement et ancien ambassadeur des négociations internationales sur le climat, pour évoquer la stratégie de reconquête de souveraineté énergétique de la France notamment grâce à la réhabilitation de l’énergie nucléaire et dresser un parallèle avec la stratégie à adopter en matière de souveraineté alimentaire. Il a ensuite laissé la place à une tableronde composée de Jean-François Naudi, membre du bureau de l’AGPM
et président de la coopérative Arterris ; d’Arthur Portier, consultant senior chez Argus Media et agriculteur dans l’Oise ; de Jacques Groison, directeur général de l’institut technique Arvalis ; de Christian Harbulot, directeur de l’École de Guerre Économique et de Franck Sander, vice-président du COPA-COGECA et membre du bureau
de la FNSEA chargé des dossiers européens. Les échanges ont souligné la nécessité pour la filière maïs de renforcer sa compétitivité sur le marché international et ce, dans un contexte de guerre économique et face à des enjeux croissants pour la filière maïs. En troisième temps, le Secrétaire général de la Garde nationale, le Général François-
Xavier Poisbeau, a évoqué l’augmentation du nombre de réservistes en lien avec le Gouvernement et dressé un parallèle avec la stratégie française à adopter pour une souveraineté agricole et alimentaire. En conclusion, après une vidéo de la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, Franck Laborde, président de l’AGPM et Arnaud Rousseau, président de la FNSEA se sont livrés à un exercice de questionsréponses avec la salle sur les dossiers syndicaux. Enfin, et pour clore cette édition 2025,
la matinée du 19 novembre portait sur la difficile question de l’eau au sein du monde agricole avec l’Assemblée générale d’Irrigants de France, portée par son Président Eric Frétillère. Dans une première partie, Eric Servat, ingénieurhydrologue et directeur du centre international de l’UNESCO sur l’eau à Montpellier a présenté les différents enjeux liés à cette ressources essentielle et convoitée, avec un prisme pragmatique et économique. Il a ensuite laissé la place à une table-ronde, composée de Thierry Burlot, président du comité de bassin Loire-Bretagne et du Cercle Français de l’Eau ; Sébastien Vidal, président de Limagrain et de l’ADIRA ; Guillaume
Chamouleau, président du syndicat des Irrigants de Poitou-Charentes et de la Coop de Mansle ; Guillaume Benoit, membre de l’Académie d’Agriculture de France et Carole Zakine, spécialiste du droit de l’eau, qui a permis de souligner distinctement les difficultés liées à la gestion de l’eau et l’absence de consensus, compliquant le dialogue autour de sujets majeurs comme la construction de barrages. Pour répondre au défi de la conciliation entre les différents usages de l’eau, les intervenants ont mis
l’accent sur la nécessité de renforcer le dialogue avec l’ensemble des acteurs économiques et politiques et de privilégier des solutions adaptées au niveau local. Après cette belle édition, nous vous donnons maintenant rendez-vous pour la prochaine édition du Congrès du Maïs qui aura lieu les 17 et 18 novembre prochains à Strasbourg !

MARCHÉS

LES PRIX RESTENT BAS

Malgré des stocks de maïs américains en baisse et des importations toujours au ralenti dans l’UE, les prix du maïs restent bas en France. Ils demeurent sous pression d’un euro fort et de bilans céréaliers mondiaux très confortables. Baisse des stocks américains La reprise des publications des rapports mensuels de l’USDA du fait de la fin du
« shutdown » a permis des ajustements du bilan américain du maïs. Ceux-ci ont été mineurs sur le rendement, revu en très faible baisse (-0,4 q/ha) et toujours à un niveau record (116,8 q/ha). Ils ont été plus importants sur les exportations, toujours dynamiques. Celles-ci sont revues en hausse de 3,2 Mt pour atteindre 81,3 Mt, un nouveau record. Cela a conduit à une baisse des stocks américains désormais estimés à 51,3 Mt. Ceux-ci restent toutefois à leur niveau le plus haut depuis 7 ans ce qui n’a pas permis d’impulser une dynamique haussière. Les dernières semaines ont également été marquées par un rebond des prix du soja aux Etats-Unis du fait de la reprise
des achats chinois. Cependant cette dynamique est fragile. Les opérateurs doutent que la Chine soit en mesure de tenir ses engagements d’ici fin 2025 voire d’ici le démarrage de la campagne brésilienne en février 2026. La chute pourrait être d’autant plus brutale que les fonds-non commerciaux ont désormais une position acheteuse très importante sur le soja. Le ratio de prix soja/maïs sera un facteur clé des choix d’assolement dans la Corn Belt en 2026. En Amérique du Sud, les semis se déroulent sans problème majeur à ce stade. En Argentine, les semis tardifs ont débuté et avancent au rythme le plus rapide de la décennie. Le gouvernement a par ailleurs décidé d’une baisse des taxes à l’export sur les produits agricoles, ce qui renforce entre autres la compétitivité du maïs argentin. Au Brésil, les semis de maïs safra (pleine
saison) se poursuivent sans encombre et les semis de soja sont terminés à temps dans le Centre-Ouest ce qui n’augure pas de difficulté pour les semis de maïs safrinha à ce stade. La météo de février sera cependant un élément déterminant dans leur bon déroulé.

Négociations diplomatiques en Ukraine

Les dernières semaines ont été marquées par la reprise de négociations diplomatiques en Ukraine, sans effet sur les prix. Un accord éventuel aurait un effet baissier, en particulier en matière logistique du fait de primes d’assurance spécifiques à la Mer Noire. Celles-ci tendent à augmenter en cette fin d’année du fait de menaces russes renouvelées et de bombardements plus fréquents sur Odessa. Au sein de l’UE, les importations restent au ralenti avec 7,1 Mt début décembre contre 8,7 Mt à cette date en moyenne. Cela s’explique par un retard persistant de la récolte ukrainienne, avec 83 % des maïs récoltés au 11/12, et par
un maintien de la compétitivité du blé fourrager en alimentation animale. Dans ce contexte, le maïs français est bien présent à l’export même si la concurrence s’est fortement renforcée sur le Benelux. En alimentation animale française, les rapports de compétitivité sont toujours favorables au blé. Les prix du maïs français évoluent dans un canal étroit, tant sur Euronext que sur le marché physique, et devraient y demeurer dans les prochaines semaines. Cependant, les pressions baissières demeurent.
Le prix du blé est soumis à forte pression du fait d’une concurrence internationale accrue. Par ailleurs, l’euro regagne en force face au dollar du fait d’une reprise des baisses des taux de la banque centrale américaine.

« RENCONTRES DE l’EAU » : IRRIGANTS DE FRANCE ET L’AGPM AU COEUR DE LA STRATÉGIE SUR L’EAU DU CONSEIL DE l’AGRICULTURE FRANCAISE

Jeudi dernier, le 11 décembre, étaient organisées les premières « Rencontres de l’eau » par le CAF (FNSEA, JA, Chambres d’Agriculture, La Coopération Agricole), Irrigants de France et l’ACTA. L’ambition de cette journée était d’être le point départ d’une stratégie ambitieuse et collective sur le sujet majeur de l’eau dans tous ses
aspects : quantitatif, qualitatif, technique, juridique ou encore la gouvernance. Lors de cette journée, Irrigants de France et l’AGPM ont eu une place centrale dans la réflexion : Eric Frétillère a porté le sujet des aspects quantitatifs, plaidant pour un développement ambitieux de l’ensemble des solutions adaptées à chaque territoire pour garantir l’accès à l’eau face au changement climatique ; Franck Laborde a quant à lui porté le sujet de la communication et de l’influence, arguant de la nécessité de travailler collectivement, et à tous les niveaux, local, national et européen pour faire avancer la réglementation et la législation et favoriser la création de projets de stockage ainsi que l’investissement pour l’irrigation. Une conférence de presse a été organisée à l’issue avec une bonne reprise de nos messages et de notre ambition de peser, avec des propositions fortes, lors de l’élection présidentielle de 2027.