AGPM Info économie N°602 – Mai 2025

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Rejetons l’obstruction !

La manœuvre était grossière, la solution est inédite : la motion de rejet de la PPL « anti-contraintes », initiée par les sénateurs Duplomb et Menonville, est une bonne nouvelle. Les partis anti-agriculture, après un hold-up en Commission développement durable sur le dossier de l’eau, ont organisé le sabordage du travail parlementaire à l’Assemblée nationale. Las, le rapporteur du texte, Julien Dive, a eu le courage de contrer l’obstruction en proposant une motion de rejet renvoyant le débat directement en Commission Mixte Paritaire. Les espoirs du monde agricole reposent désormais sur les sept sénateurs et sept députés qui devront concrétiser, enfin, la réduction des entraves et la remobilisation des capacités productives de l’agriculture française. Ne nous décevez pas !

Le chiffre du mois
2 300, c’est le nombre d’amendements déposés par les groupes LFI et EELV pour la PPL Duplomb-Menonville qui comporte à peine 10 articles !

MARCHÉS

PRIX SOUS PRESSION

Les prix du maïs restent sous forte pression tant du fait de fondamentaux plus lourds pour la campagne 2025/26 que d’un euro fort qui pénalise les céréales européennes. Les annonces de D.Trump, la météo sur la Corn Belt et les dossiers géopolitiques restent des facteurs de volatilité à prendre en compte dans les prochaines semaines.

Des bilans céréaliers qui se détendent ?

Selon l’International Grain Council, la production mondiale de maïs et de blé devrait battre un nouveau record en 2025/26 avec un peu plus de 2 milliards de tonnes. Après plusieurs années de tension, l’heure est-elle à une détente des bilans mondiaux ?
Pour le maïs, le principal changement concerne les Etats-Unis, 1er producteur et exportateur mondial. Dans son 1er bilan pour la campagne 2025/26, publié début mai, l’USDA a ainsi projeté un nouveau record de production aux Etats-Unis à plus de 400 Mt. Les stocks devraient rebondir de près de 10 Mt pour s’établir à 46 Mt. Bien qu’inférieur aux premières prévisions des opérateurs, cette perspective de forte hausse des stocks pèse sur les prix à Chicago. Ces stocks devraient toutefois être revus en baisse dans le rapport USDA de juin du fait d’une demande qui reste très dynamique à l’export. Par ailleurs, cette projection repose sur une hypothèse de rendements record, qui devra être confirmée cet été, et sur les dernières prévisions de surfaces qui pourraient une nouvelle fois être revues en hausse le 30 juin compte-tenu de l’avancée rapide des semis. Cela accentuerait la pression sur les prix avant que, comme chaque année, la météo de juillet sur la Corn Belt ne donne le ton pour l’évolution des cours !
Le bilan mondial du maïs pourra également compter sur une bonne production sud-américaine. Après les déboires climatiques et les dégâts d’insectes, l’Argentine devrait retrouver cette année une production dans la moyenne (50 Mt) tandis qu’au Brésil, le maïs safrinha bénéficie de conditions météo idoines permettant à la production d’approcher son record (130 Mt). Là encore, ces volumes très compétitifs risquent de peser sur le prix bien qu’au Brésil la bataille sera rude entre les exportateurs et l’industrie de l’éthanol dont la consommation de maïs croît massivement.
En blé, de nombreux grands exportateurs devraient voir leur production augmenter mais le bilan reste plus tendu que sur le maïs et des inquiétudes se font jour notamment en Chine où les zones de production subissent une sécheresse marquée.
Dans ce contexte de hausse de la production mondiale, les fonds non-commerciaux ont pris des positions résolument vendeuses sur la plupart des produits agricoles. La moindre anicroche climatique tant sur le blé que sur le
maïs pourrait conduire à une couverture de positions et à un mouvement haussier.

Euro fort et incertitudes géopolitiques

Si les fondamentaux donnent pour le moment une tonalité baissière à la dynamique des prix, les facteurs macroéconomiques et géopolitiques pèsent également.
C’est d’abord le cas sur le contentieux douanier entre l’UE et les Etats-Unis. Malgré la pause annoncée jusqu’au 9 juillet, D. Trump a accentué la pression en mai en menaçant l’UE de droits de douane de 50 % si les négociations n’allaient pas dans son sens. L’UE prépare sa réplique en mettant en place des listes de produits à taxer le cas échéant dont le maïs américain.
Ces perspectives ont poussé les importateurs européens à faire massivement appel à l’origine américaine en mars avant de réduire les importations à portion congrue en avril-mai en l’absence de perturbation sur les flux commerciaux. Quoi qu’il en soit, les opérateurs européens sont désormais bien couverts sur la fin de campagne ce qui n’aidera pas à écouler les stocks historiquement élevés de maïs présents en France. Le peu de disponibilité ukrainienne pour l’été ne sera pas suffisant à les soulager face à l’arrivée prévue à partir de juillet d’une bonne récolte européenne de blé et du maïs brésilien. Les incertitudes commerciales, de même que les débats budgétaires aux Etats-Unis, affaiblissent le dollar et renforcent l’euro en parallèle. Ce dernier s’est apprécié de près de 10 % ces trois derniers mois ce qui exerce une forte pression sur les prix des céréales européennes.
Les incertitudes géopolitiques restent également de mise, notamment en Iran et en Ukraine. D. Trump cherche un accord sur le nucléaire iranien et pourrait l’assortir d’une levée des sanctions sur le secteur pétrolier, de quoi faire chuter un prix du baril déjà sous pression, un facteur généralement baissier pour les céréales. Il s’agite également, sans succès jusqu’à présent, pour obtenir un cessez-le feu entre l’Ukraine et la Russie, deux des principaux exportateurs mondiaux de céréales. Autant de facteurs de volatilité à avoir à l’esprit dans les prochaines semaines.

EUROPE

STRATÉGIE EUROPÉENNE DE RÉSILIENCE DE L’EAU

La présidente de la commission européenne Ursula von der Leyen a demandé à la commissaire chargée de l’environnement, Jessika Roswall, de diriger les travaux sur la stratégie européenne de résilience de l’eau. Cette stratégie qui doit être adoptée le 4 juin 2025 portera sur la résilience de l’Europe vis à vis de l’eau, afin de mettre en place un plan intersectoriel pluriannuel pour parvenir à une Europe résiliente, aussi bien sur les aspects qualitatifs que quantitatifs.

Consultation des parties prenantes : mobilisation de l’AGPM

Début 2025, la Commission européenne a ouvert un appel à contribution sur sa future stratégie pour la résilience de l’eau, auquel l’AGPM a participé à travers les contributions de la CEPM et d’Irrigants de France. Nous avons porté au niveau européen nos attentes et propositions en mettant en avant les points suivants : développer l’accès aux technologies de pointe, accélérer l’innovation variétale grâce aux NBT, garantir l’accès à l’eau et le stockage, et avoir des règles de financements européennes qui tiennent compte du changement climatique.
La CEPM et Irrigants d’Europe ont également participé à la journée de lancement du 6 mars organisée par la commission à Bruxelles avec les différentes parties prenantes.

Initiative des parlementaires pour élaborer un rapport

Fin 2024, les parlementaires de la commission Environnement ont décidé d’élaborer un rapport sur la résilience hydrique, la commission Agriculture pouvant émettre une opinion sur celui-ci. L’AGPM s’est rapprochée des députés européens des commissions Agriculture et Environnement pour que le texte final soit favorable au secteur agricole. Les eurodéputés ont ainsi adopté un rapport ne comportant plus d’objectifs contraignants en particulier sur les prélèvements d’eau et ont ajouté la création d’un fonds distinct dédié à la résilience de l’eau dans le cadre du budget de l’UE post-2027. De tels rapports d’initiative n’ont pas de valeur légale, mais ils permettent aux eurodéputés de faire part de leurs positions, et peuvent ainsi influer sur les décisions de la Commission européenne.

Stratégie adoptée par la commission : floue et non contraignante

La Commission européenne a publié le 4 juin une stratégie sur la résilience en eau qui fixe aux Etats membres un objectif non contraignant « d’amélioration de l’utilisation de l’eau de 10 % à l’horizon 2030 ». Un chiffre flou puisque pour l’instant la méthodologie commune pour la définition de l’efficacité hydrique n’existe pas. La stratégie n’impose aucune révision des réglementations en vigueur mais propose de se concentrer sur une meilleure mise en oeuvre de celles-ci.
Sur le stockage : la commission insiste sur la priorité à donner aux solutions fondées sur la nature et n’a pas discours incitatif sur le stockage.

Prochaines étapes
La Commission commencera à mettre en oeuvre les actions phares définies dans la stratégie et suivra les progrès de la recommandation sur l’utilisation rationnelle de l’eau. À partir de décembre 2025, un forum sur la résilience de l’eau sera organisé par la Commission tous les deux ans, afin de faire progresser la mise en oeuvre de la stratégie. En outre, en 2027, la Commission procédera à un examen à mi-parcours des progrès réalisés dansla mise en oeuvre des actions prévues par la présente stratégie.