Quand Trump tousse, le monde s’enrhume
Sous l’ère Trump, l’Amérique a brandi ses droits de douane comme des armes. Résultat : les menaces hystériques font vaciller les marchés et trembler producteurs, entreprises et toute l’économie. Le « America First » vire au dumping à grande échelle alors que l’Europe tente tant bien que mal de s’organiser. Si la diplomatie échoue, il faudra riposter durement et cela passe par la garantie de notre souveraineté. Dans un monde en recomposition, l’Europe saura-t-elle se réaffirmer ?
Le chiffre du mois : 185, c’est le nombre de pays concernés par les hausses douanières de Donald Trump
MARCHÉS
FORTE VOLATILITÉ
Les multiples déclarations de Donald Trump ont généré une forte volatilité au mois d’avril. Avec le début des semis américains, la traditionnelle volatilité printanière va s’ajouter à ce contexte économique incertain tandis que la remontée de l’euro pénalise fortement les prix du maïs en France.
Choc commercial majeur
Les annonces douanières de Donald Trump laissent craindre aux acteurs économiques un choc commercial au niveau mondial. Le 2 avril, conformément à ce qu’il avait annoncé, D. Trump a imposé à l’ensemble du monde des droits de douanes allant de 10 % à 50 % selon les pays. Cela a d’abord lourdement pesé sur les marchés d’actions et de matières premières avant de toucher le marché obligataire, celui de la dette publique américaine, en provoquant une forte hausse des taux.
Cette situation a conduit D.Trump a un retour en arrière dès le 9 avril par l’annonce d’une « pause » de 90 jours durant laquelle les droits de douane ne seraient « que » de 10 %… Cette pause a fait souffler un vent d’optimisme sur les marchés mais en demi-teinte. L’escalade douanière avec la Chine s’est poursuivie, conduisant à des droits de douane largement supérieurs à 100 % pour ce pays et menant de facto à une rupture des liens commerciaux entre les deux premières économies mondiales. Cette perspective devrait générer un ralentissement économique mondial, confirmé par les dernières projections du FMI.
Le prix du maïs à Chicago, à l’instar d’autres matières premières, a subi cette phase de forte volatilité. Il a pu cependant rebondir plus rapidement du fait de fondamentaux tendus et de l’absence du Mexique et du Canada, les deux premiers clients du maïs américains, dans les pays ciblés par cette vague de droits de douane. Cependant, les exportateurs américains restent inquiets. En effet, à la fin avril, D. Trump a annoncé la mise en place dans 180 jours d’une taxe de 50 $/t, vouée à augmenter, lors de l’utilisation de navires construits en Chine. Si elle était mise en place, cette taxe renchérirait fortement le fret à partir de la fin octobre, pour la nouvelle campagne. Enfin, ce contexte instable a fortement affecté le marché des changes. Le dollar se retrouve nettement affaibli par des perspectives de croissance plus faible et de remontée de l’inflation aux Etats-Unis, dans un contexte global très incertain. Il est également affaibli par le manque de confiance, conséquence des menaces de D.Trump sur l’indépendance de la Fed, la banque centrale américaine. Cette faiblesse du dollar vient soutenir la compétitivité du maïs américain et les prix à Chicago. Ce mouvement du dollar a aussi fait remonter l’euro à son plus haut niveau depuis 3 ans ce qui, a contrario, exerce une forte pression sur les céréales européennes. C’est ce qui explique la dynamique baissière des dernières semaines pour le maïs français tant sur Euronext, où le support des 210 €/t a été brisé, qu’au niveau des prix physiques. Cette volatilité reste de mise pour les prochaines semaines tandis que D.Trump souffle le chaud et le froid concernant les relations commerciales avec la Chine et l’indépendance de la Fed. Elle risque de repartir de plus belle début juillet avec la fin de la pause de 90 jours.
Bilan mondial toujours tendu
Le bilan mondial du maïs est tendu pour la fin de campagne 2024/25 et pourrait le rester pour la campagne à venir malgré une hausse des surfaces aux Etats-Unis et en Ukraine. Cette tension s’observe au niveau des stocks américains pour la campagne 2024/25 dont le niveau a été revu en baisse de 30 % entre la première estimation de l’USDA de mai 2024 et celle d’avril 2025 (37 Mt) ! La forte demande internationale devrait continuer à croître notamment du fait des besoins de l’industrie de l’éthanol. Dans un tel contexte, les surfaces américaines pour 2025 sont attendues en forte hausse. Avec au moins + 5 % par rapport à 2024, elles devraient se situer dans le trio de tête des 25 dernières années. Cette hausse semble absorbable au bilan américain, alourdissant les stocks sans que ceux-ci n’atteignent leurs plus hauts historiques. La situation reste toutefois à surveiller. Avec la fermeture du marché chinois au soja et au sorgho américain, les producteurs de la Corn Belt pourraient être tentés d’ajouter plus de maïs aux 38,5 Mha déjà prévus par l’USDA fin mars !
Le déroulé des semis fin avril-début mai, le bilan de l’USDA du 12/05 et le rapport sur les surfaces du 28/06 seront des facteurs clés d’évolution des cours du maïs avant que la météo sur la Corn Belt ne prenne le relais à partir de juillet. Au niveau européen les surfaces sont attendues en baisse dans l’UE, notamment dans l’Est du fait de la sécheresse ayant touché le bassin du Danube à l’été 2024. En revanche, en Ukraine, les surfaces sont attendues en hausse de 200 à 400 Kha (4,2-4,4 Mha) au détriment du soja. En France, les stocks restent historiquement lourds et les perspectives d’allègement à court terme s’étiolent avec une perte de compétitivité face au blé et surtout le report à début juillet par la Commission Européenne de la taxation du maïs américain prévue en réponse aux droits de douanes de D.Trump. La météo du printemps en Mer Noire reste à suivre, notamment pour le bilan mondial du blé. Le blé russe a passé l’hiver sans dommage et a bénéficié de pluies opportunes en mars mais le déficit hydrique est de retour en avril et pourrait compliquer la fin du cycle cultural s’il persistait.
EUROPE
VISION POUR L’AGRICULTURE ET L’ALIMENTATION EUROPÉENNE
Après le renouvellement des institutions européennes, l’heure est aux débats sur le futur budget européen et la prochaine PAC pour la période après 2027. La vision pour l’agriculture et l’alimentation présentée début 2025 devrait sans aucun doute orienter et nourrir les réflexions de ces prochains mois.
Nouveau Commissaire à l’Agriculture : nouvelle approche ?
Comme il s’y était engagé à sa nomination, le nouveau Commissaire à l’Agriculture, Christophe Hansen, a présenté le 19 février dernier sa « vision européenne pour l’Agriculture et l’alimentation » à l’horizon 2040, une feuille de route validée par l’ensemble du collège des commissaires européens.
Il est certain que l’arrivée du nouveau Commissaire européen à l’Agriculture marque un changement d’approche palpable dans les discours. La
dimension stratégique et économique semble enfin reprendre une place prépondérante : « L’agriculture est un secteur stratégique sur les plans économique, social et géopolitique qui doit redevenir plus compétitif et attractif ! », « la durabilité n’est pas seulement environnementale mais aussi sociale et économique » ou encore « la souveraineté alimentaire doit être atteinte à travers un objectif de production », tels sont les mots employés par Christophe Hansen lors de sa présentation.
4 grandes priorités pour l’avenir
La Commission européenne se fixe quatre grandes priorités pour le futur et a dévoilé les premiers plans d’action qu’elle entend mettre en place en ce sens dès 2025. Sa 1ère priorité est de rendre le secteur agricole plus attractif. Pour cela, la Commission entend présenter une stratégie en faveur du renouvellement
des générations en agriculture et proposer une révision des législations sur les pratiques commerciales déloyales et l’organisation des marchés agricoles. Sa 2ème priorité est de renforcer la compétitivité et la résilience de l’agriculture européenne, avec la volonté affichée d’assurer la « réciprocité » et un « alignement normatif » entre les produits importés et ceux produits dans l’UE. Pour cela, elle prévoit d’adopter des mesures pour des conditions de concurrence plus équitables et un nouveau paquet de simplification des règles actuelles de la PAC. Sa 3ème priorité est d’adapter le secteur agricole à « l’épreuve de l’avenir », avec l’objectif de concilier les actions en faveur du climat avec la sécurité alimentaire et de privilégier les incitations plutôt que les contraintes pour les agriculteurs. Pour cela, elle souhaite accélérer les autorisations de produits de biocontrôle et en matière de NGT ou encore répondre au besoin urgent d’une utilisation plus efficace de l’eau dans le cadre de sa stratégie de résilience sur l’eau. Enfin, sa dernière priorité est axée sur la vitalité des zones rurales.
Les prochaines étapes
Si les notions de sécurité alimentaire, de production, de compétitivité et d’innovation, chères à l’AGPM, refont surface, il reste maintenant à traduire en actions cette feuille de route ! C’est ce à quoi s’attèle l’AGPM dans ses actions en France et en Europe. Les prochaines échéances de l’année 2025 seront pour cela décisives avec la présentation prévue en juillet par la Commission européenne des propositions sur le prochain cadre du budget de l’UE post 2027 suivie des propositions législatives sur la PAC 2028-2034.
GROUPE DE DIALOGUE CIVIL MARCHÉ DES CÉRÉALES
L’AGPM a participé au nom de la CEPM au dernier groupe de dialogue civil sur le marché des céréales organisé par la Commission européenne. Elle a pu souligner à cette occasion l’importance de l’accès aux moyens de production pour renforcer la production européenne de maïs, notamment l’irrigation dans un contexte de sécheresse marquée en Europe de l’Est. Elle a également porté à cette occasion ses demandes dans
le cadre des négociations commerciales en cours avec l’Ukraine et souligné l’importance des récents progrès dans les discussions réglementaires sur l’accès aux nouvelles techniques de sélections variétales (NGT).
IRRIGANTS DE FRANCE Ā L’ASSEMBLEE GÉNÉRALE D’AQUANIDE 16
Une table ronde a été organisée le 20 mars lors de l’Assemblée générale d’Aquanide Charente en présence du préfet, des acteurs institutionnels et de plusieurs élus locaux afin de débattre sur la place et l’avenir de l’irrigation. Cette table ronde à laquelle a participé Éric Frétillère, président d’Irrigants de France, a été l’occasion de préciser les enjeux de l’accès à l’eau dans le monde, en France et sur le département de la Charente. Lors de son intervention, Éric Frétillère a insisté sur les dernières avancées permises par la loi d’orientation agricole qui a reconnu la protection de l’agriculture comme étant d’intérêt général. C’est désormais aux irrigants de s’emparer et de défendre ce principe, notamment auprès des tribunaux dans les processus juridiques en cours sur l’accès à l’eau
pour l’irrigation.