AGPM Info économie 558

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Souveraineté. Ce mot était un peu passé de mode, mais en période de crise, quand chacun s’inquiète pour sa santé et celle de ses proches, les priorités se recentrent … en particulier sur l’alimentation.
Si en France la pénurie n’est pas à redouter, la nécessité de maitriser les secteurs stratégiques, dont l’agriculture fait partie, fait la UNE. Alors oui il faut donner à l’agriculture française et européenne les moyens de nourrir nos concitoyens, en particulier dans le cadre du grand plan de relance post-Covid. Mais sans oublier son rôle dans la contribution aux grands équilibres, en fournissant des ressources à ceux qui ne peuvent assumer l’alimentation de leurs populations. L’agriculture est stratégique, mais souveraineté ne veut pas dire repli sur soi !

Le chiffre du mois : X 10
La filière bioéthanol française a multiplié par 10 sa capacité de production de gel hydroalcoolique qui s’élève à 500 000 litres d’alcool par jour.

MARCHÉ

LE MAÏS NE PROFITE PAS DE LA HAUSSE DES PRODUITS CÉRÉALIERS

La chute des cours américains à leur plus bas niveau depuis près de 11 ans a conduit à une activation des droits de douanes européens.

Déroute du marché de l’éthanol

Si de nombreux produits céréaliers, notamment le blé et le riz, connaissent une spirale de hausse des prix depuis le début de la crise du coronavirus (achats de couvertures des pays importateurs et restrictions d’exportations chez certains exportateurs), le maïs reste à l’écart de ce mouvement. Aux Etats-Unis, marché directeur, les cours ont atteint sur l’échéance la plus active, leur plus bas niveau depuis septembre 2009. À Chicago, sur l’échéance de mai, la tonne de maïs se négocie désormais à environ 125 $ ! La production d’éthanol est la principale responsable du mouvement baissier depuis le début de la crise. Elle compte pour environ 40 % des débouchés de la production américaine en volume, mais a diminué de près de moitié par rapport à la même période en 2019, conséquence de la baisse massive des prix du pétrole et de la diminution drastique de la consommation de carburant. Si la chute de production semble désormais s’être enrayée, avec environ 560 mille barils/jour, les stocks sont à leur plus haut niveau historique, proche des 28 millions de barils. Dans le reste du monde, pour les mêmes raisons, le secteur de l’éthanol est également en grande difficulté. C’est le cas au Brésil, où il est principalement produit à partir de canne à sucre mais aussi de maïs, et en Europe où Stratégie Grains estime que la consommation de maïs pour la production d’éthanol sera en baisse de 600 Kt sur la campagne 2019/20 par rapport à 2018/2019 du fait de la réduction des capacités de production. L’impact sur les prix européens est cependant moindre, du fait du rôle moins important de l’éthanol dans les débouchés de l’utilisation européenne. En effet, la production d’éthanol représente environ 10 % de la production globale.

Activation des droits de douane européens

La chute importante des cours du maïs américain a conduit à une activation des droits de douane au niveau européen à partir du 27/04. Cependant, ce filet de sécurité face aux crises de marché importantes est affaibli par l’existence de contingents à droit nul. Le droit de douane à l’importation est un droit « flottant », fluctuant en fonction des cours du maïs américain. Il est déterminé par la Commission Européenne sur la base d’un prix représentatif à l’importation CAF (coûts/assurances/frais) pour le maïs américain à Rotterdam. Lorsque la moyenne de ce prix CAF sur les 10 derniers jours ouvrables passe sous le seuil des 152 €/t, des droits de douane sont activés (d’un montant équivalent à la différence entre 157 €/t et le prix CAF calculé). A partir de ce seuil, des droits sont mis en place et varient en fonction de l’évolution du calcul de la Commission Européenne. Ils sont actuellement de 5,27 €/t et devraient rester limités du fait de la faiblesse de la parité €/$. Cependant, cette protection activée pour la dernière fois en 2017, est affaiblie par l’existence de contingents d’importations de maïs à droit nul. L’Ukraine dispose cette année d’un contingent de 1,225 Mt. Par
ailleurs, la Serbie et le Canada (en vertu du CETA) peuvent exporter leur maïs à droit nul vers l’Union Européenne. Ainsi, malgré une activation de droits de douane, certains des principaux fournisseurs de maïs de l’Union Européenne pourraient continuer leurs exportations sans être soumis à ces droits.
Cette situation explique que les importateurs utilisent ces dernières semaines le contingent Ukraine à droit nul (750 kt utilisés au 15/04) pour couvrir leurs besoins sans avoir à payer de droits de douane.

Augmentation des semis de maïs en France

Les surfaces de maïs grain sont attendues en hausse de 10 % (soient + 135 000 ha) par rapport à 2019. A ce jour 60 à 65 % des semis ont été réalisés dans de bonnes conditions. Les régions au nord de la
diagonale « Mont St Michel – Marseille » ont des conditions sèches et les pluies attendues cette semaine seront bienvenues. En maïs fourrage une légère hausse des emblavement (1 à 2%) est attendue.

DÉBUT DE LA 6ÈME CAMPAGNE DE CERTIFICATION MAÏS

La campagne PAC 2020 marque la 6ème année de l’existence du schéma de certification maïs. Ce dossier reste prioritaire pour l’AGPM dans le cadre de sa défense de la culture.

Une campagne de certification 2019 marquée par les intempéries.

1748 agriculteurs se sont engagés dans le schéma de certification maïs pour la campagne 2019, soit 276 de plus qu’en 2018. Pour la première fois en 2020, les surfaces engagées dans le cadre du schéma de certification ont dépassé les 100 000 hectares avec 106 668 hectares engagés. Malgré des conditions climatiques très difficiles à l’automne, ayant empêché dans de nombreuses zones le semis ou la levée des couverts exigés dans le cadre de la certification, de nombreux dossiers ont pu être validés. En effet, dès octobre l’AGPM s’est mobilisée auprès des services du ministère et du Ministre de l’Agriculture afin d’obtenir une dérogation au semis et à la levée des couverts dans le cadre de la certification maïs. Celle-ci a été obtenue en décembre et cette victoire syndicale a permis de certifier de nombreux agriculteurs concernés, en particulier dans le grand Sud-Ouest et dans la Manche, sans surcharge administrative et en évitant une pénalité financière importante. A la fin avril, près de 92 % des dossiers sont déjà validés et payés ou en cours de paiement. Du fait de l’épidémie de coronavirus et des difficultés qu’elle pose dans l’organisation du travail et dans le fonctionnement de la Poste, une centaine de dossiers sont toujours en cours de traitements. Ce travail devrait aboutir dans les semaines qui viennent.

CERTIFICATION 2020 : Dépôt des dossiers repoussé au 15/06

Dans le cadre de l’ouverture de la campagne PAC 2020 au 1er avril, très perturbée par les contraintes liées à l’épidémie, l’AGPM s’est mobilisée auprès du Ministère de l’Agriculture pour que les dossiers de certification maïs puissent être remis, comme le reste du dossier PAC, au 15 juin et non au 15 mai.
C’est désormais le cas, les obligations du cahier des charges (semis et levés des couverts, surfaces de maïs supérieures à 75 % des terres arables) resteront vérifiées sur les surfaces détenues au 15 mai 2020. Afin de faciliter le traitement des dossiers par OCACIA, il est recommandé d’anticiper autant que possible l’envoi du dossier complet. Par ailleurs, l’AGPM, en lien avec OCACIA et le Ministère de l’Agriculture, travaille afin de déployer des modalités de contrôle de terrain adaptées en cette période d’épidémie, notamment pour les contrôles d’été (vérification des SIE). Enfin, l’AGPM poursuit son travail visant à pérenniser le schéma de certification et à défendre la culture du maïs. A cet effet,
une enquête sur les pratiques des engagés 2019 a été réalisée au mois de mars et devrait permette d’illustrer les avantages du schéma de certification dans les prochaines discussions avec les autorités.

BIOÉTHANOL : DEMANDE D’UNE CLAUSE DE SAUVEGARDE

Disparition de la consommation d’essence

Le confinement généralisé instauré le 16 mars dernier pour lutter contre le Covid se traduit par une baisse drastique de la consommation d’essence qui atteint 75 % début avril. Cela touche donc de plein fouet les producteurs de bioéthanol sur leur marché principal (60 % de la demande) qui subissent une surproduction et des besoins de stockage accrus amenés à perdurer certainement au-delà du début
du déconfinement prévu à partir du 11 mai prochain. Cette situation se retrouve partout en Europe mais aussi chez les deux principaux producteurs d’éthanol : États-Unis (plus de 50 % de la production mondiale) et Brésil (près de 30 %). Les stocks américains sont à des niveaux records et représentent 9 mois de consommation d’éthanol-carburant en Europe. La situation du Brésil, rendu plus compétitif
après la dévaluation du réal, est similaire.

Compensation partielle par l’alcool destiné aux gels hydroalcooliques

Le marché des gels hydroalcooliques est passé de 1% à 7% des débouchés de la filière française d’alcool, qui s’est réorganisée pour répondre à cette demande multipliée par 10. Les fabricants français ont largement de quoi y subvenir mais cela ne suffira pas à compenser la baisse observée sur les carburants. Les industriels sont obligés de réduire le niveau d’activité de 30 % à 40 % actuellement et en jonglant sur les capacités de stockage. Au regard de cette situation, nous ne pouvons à ce jour exclure des fermetures d’usines, qui viendraient affecter la fourniture de drèches pour l’élevage.

Nécessité de protéger le bioéthanol français et UE

L’AGPM et ses partenaires de la filière bioéthanol craignent l’arrivée massive d’éthanol du Brésil et des USA à prix cassé sur le marché européen, lorsque le confinement sera levé, d’autant plus que l’UE a renoncé en 2019 aux droits antidumping sur l’éthanol américain, pourtant produit à partir de maïs
OGM résistant au glyphosate et avec du gaz de schiste. L’AGPM a demandé à la Commission européenne l’application d’une clause de sauvegarde pour faire face au risque d’importations de bioéthanol destiné aux carburants en provenance des Etats-Unis et du Brésil, comme l’autorise l’article 194 du règlement OCM unique. L’incertitude sur la date de sortie du confinement et sur la reprise économique renforcent la nécessité d’anticiper la menace. Elle se félicite de la mobilisation du Ministre de l’Agriculture et du Ministère de l’économie, indispensable pour entrainer une décision au niveau européen.