AGPM Info économie 587

Télécharger

Le changement ? C’est maintenant !? Sans illusion, mais avec espoir, l’AGPM était tout ouïe lorsque tant la Première ministre, au Salon International de l’Agriculture, que le ministre de l’Agriculture, au Congrès de la FNSEA, ont promis de changer de méthode concernant les autorisations de produits de protection des plantes. Le projet était de redonner force au politique face aux décisions annoncées de l’ANSES et d’anticiper les alternatives. Et quel résultat ! Tout juste quelques semaines après ces annonces triomphales, le verdict tombe : au moins 7 filières dans l’impasse suite au retrait du S-métolachlore, dont le maïs doux et le maïs semences. Si c’est un coup dur, ce n’est pas la fin : l’AGPM ne lâchera rien !

Le chiffre du mois : Près de 100 % des surfaces de maïs doux et semences utilisent du S-Métolachlore

MARCHÉ

PRIX DU MAÏS : TENDANCES DIVERGENTES ENTRE L’UE ET LES ÉTATS-UNIS

Si les cours américains rebondissent depuis la mi-mars, notamment grâce à la demande chinoise, la baisse des prix se poursuit en Europe, accentuant le risque de ciseau de prix pour la campagne 2023/2024.

Rebonds des prix à Chicago
Après avoir fortement dévissé entre la fin février et la mi-mars sous l’effet de ventes massives de la part des fonds spéculatifs, dans un contexte économique morose aux États-Unis (crise bancaire), les cours du maïs à Chicago ont regagné le terrain perdu. Cela vient d’abord d’un rythme très rapide d’achats de la part de la Chine qui, profitant de la baisse de prix intervenue en février-mars, est revenue aux achats pour couvrir ses besoins pour la fin de campagne. Sur les 15 derniers jours de mars, elle a ainsi contractualisé l’achat de près de 4 Mt de maïs américain, un rythme qui n’avait pas été observé depuis mai 2021. Cela a rassuré le marché quant à la dynamique de la demande pour le maïs américain, pénalisé en début de campagne par un niveau élevé du dollar. Cela laisse à penser que les stocks de fin de campagne pourraient être un peu plus tendus qu’attendu actuellement par l’USDA (34 Mt). De plus, le début du mois d’avril a été marqué par les premières contractualisations chinoises pour la prochaine campagne (272 Kt). Cela est vu comme un signal positif par les opérateurs quant au maintien de la demande chinoise sur le moyen terme, malgré la concurrence ukrainienne et brésilienne, et ce d’autant plus que malgré une baisse récente, les prix du maïs chinois restent élevés. Par ailleurs, la baisse du dollar depuis quelques semaines vient aussi soutenir la compétitivité à l’export de l’origine US et, par conséquent, le niveau des cours. Cette baisse du dollar est liée à la perspective d’un ralentissement, voire d’un arrêt, de la hausse des taux directeurs par la Fed aux États-Unis dans un contexte local où l’inflation ralentit de même que la croissance économique. Enfin, si le début des semis a été rapide dans la Corn Belt début avril, ils ont depuis été ralentis par les conditions météo (pluie et froid). Cela est suivi avec d’autant plus d’attention par les opérateurs que, par rapport à 2022 les surfaces de maïs sont attendues en forte hausse (+1,4 Mha) avec 37,2 Mha notamment dans le nord-ouest de la Corn Belt où les conditions climatiques sont les plus délicates. Si rien n’est évidemment joué à cette période, une défaillance de production aux États-Unis en 2023/24 maintiendrait des stocks bas aux États-Unis pour la 4e campagne consécutive.

Tensions sur le maïs ukrainien
En Europe, en revanche, le renforcement de l’euro face au dollar, conséquence des divergences de politiques monétaires entre la Fed et la BCE, pénalise la compétitivité des céréales européennes face à leurs concurrentes. Cela est particulièrement vrai pour le blé, concurrencé à l’export par une production record de blé russe « complétée » de blé volé dans les territoires ukrainiens occupés. La pression sur les prix du blé s’exerce par ricochet sur les autres céréales dont le maïs. Par ailleurs, le niveau des importations de maïs, conséquence de la sécheresse de 2022 et du différentiel de compétitivité entre les origines européennes et les origines importées (Brésil, Ukraine), pèse également sur les cours du maïs. En effet, près de 22 Mt de maïs ont été importées par l’UE, un record pour cette date ! Une grande partie de ce maïs est ukrainien et arrive dans l’UE par les « couloirs de solidarité », axes terrestres mis en place par la Commission européenne en mai 2022 pour fluidifier les exportations ukrainiennes alors que les voies maritimes étaient totalement bloquées par la Russie. Cependant, le fonctionnement de ces axes est remis en cause par un nombre croissant de pays de l’Est de l’UE. En effet, alors que ces « couloirs de solidarité » étaient pensés pour permettre un approvisionnement des marchés déficitaires en maïs, essentiellement situés en Europe de l’Ouest (Espagne, Benelux…), le maïs ukrainien a saturé les stockages et la logistique et concurrencé la production locale, suscitant la colère des producteurs locaux. En appui aux organisations agricoles nationales, l’AGPM, par la voix de la CEPM, avait alerté la Commission européenne en fin d’année 2022 et demander des mesures correctives et des mesures de soutien pour les producteurs affectés. Alors que les premières mesures annoncées par la Commission européenne ont été jugées trop limitées, de nombreux pays ont annoncé à la mi-avril vouloir interdire les importations ukrainiennes jusqu’à fin juin. Cela a contraint la Commission européenne, seule responsable de la politique commerciale de l’UE, à réagir pour tenter de résoudre la situation. En plus de nouvelles mesures financières à destination des producteurs touchés, elle a finalement accepté d’activer une clause de sauvegarde pour s’assurer du transit des grains ukrainiens vers les marchés européens déficitaires afin de réduire les perturbations dans les pays limitrophes de l’Ukraine.

ACCORDS INTERNATIONAUX

LE MERCOSUR, C’EST TOUJOURS NON !

La présidence française de l’Union européenne en 2022 avait souligné l’importance de la souveraineté alimentaire mais des voix au niveau européen poussent à une conclusion rapide de l’accord commercial avec le Mercosur. Pour l’AGPM, c’est toujours non !

Des pressions fortes au niveau européen
Le projet d’accord avec le Mercosur a été finalisé en 2019 par la Commission européenne. Depuis, face aux nombreuses oppositions dont celle de l’AGPM et de la France, la Commission n’a pas présenté son projet aux États-membres ni au Parlement. Le projet d’accord n’est pourtant pas abandonné ! Au contraire, la Commission souhaite conclure l’accord en 2023. Elle est soutenue par l’Allemagne, qui juge l’accord bénéfique pour son industrie, et par l’Espagne, du fait de ses liens culturels avec le Mercosur, qui prendra la présidence de l’Union en juillet 2023. Pour circonvenir les oppositions à son projet, la Commission a négocié un « instrument additionnel » censé garantir que les pays du Mercosur respectent bien un socle minimal en matière sociale et environnementale, ce qui n’est pas prévu par l’accord en lui-même. Cependant, la fuite du texte révèle qu’aucun mécanisme de contrôle, de mise en place et de sanction n’est prévue en cas de manquement… En matière de déforestation par exemple. C’est pourquoi de nombreuses ONG et États-membres ont réaffirmé dernièrement leur opposition à la conclusion de l’accord, même garni de cet « instrument additionnel » factice.

L’AGPM toujours mobilisée contre l’accord
C’est également la position de l’AGPM car l’accord aurait un lourd impact pour l’ensemble de la filière maïs : quotas à droits nuls sur le maïs grain et sur des produits à haute valeur ajoutée comme l’amidon, libéralisation totale sur certains produits comme en semoulerie, mise à mal de débouchés comme la filière volaille… L’AGPM reste mobilisée au niveau français, pour faire pression sur les pouvoirs publics, comme au niveau européen, à travers la CEPM, pour empêcher la conclusion de l’accord en l’état. Si un tel accord doit voir le jour, il doit intégrer des « clauses-miroirs » suffisantes pour s’assurer de la réciprocité des normes de production. Comment comprendre que l’Union puisse faciliter l’importation de maïs traité avec des produits qu’elle a interdit parfois depuis plus de 20 ans alors même qu’elle impose des exigences toujours plus fortes aux producteurs européens ? L’AGPM reste ferme : n’importons l’agriculture dont nous ne voulons pas chez nous !

BIOCARBURANTS

FINALISATION PROGRESSIVE DES TRILOGUES

Le trilogue sur la RED3, un des textes clés du Paquet 55 pour les biocarburants, a été conclu le 30 mars 2023. Les points d’achoppement portaient notamment sur la part d’énergies renouvelables (EnR) dans les énergies totales et les transports, l’encadrement de l’usage de la biomasse forestière, et sur la place de l’hydrogène bas carbone nucléaire. La RED3 vise désormais 42,5 % d’EnR dans la consommation d’énergies en 2030 avec une option à 45 % contre 40 % dans le projet initial, et un objectif de 32 % dans la RED2. C’est le reflet de l’amélioration de la compétitivité des EnR et leur rôle incontournable pour atteindre le point de 55 % de réduction de gaz à effet de serre en 2030, contre 40 % auparavant. Dans les transports, la RED3 propose deux alternatives : soit une réduction de 14,5 % de l’intensité GES des carburants, soit 29 % d’EnR dans la consommation énergétique des transports, y compris avec l’aide du multi-comptage d’une même quantité d’EnR, ce que l’AGPM a toujours combattu. Pour l’un comme pour l’autre, cela conduira à un doublement de l’utilisation d’EnR dans les transports par rapport aux 14 % de la RED2. Pour autant, les biocarburants agricoles de première génération (G1) restent plafonnés dans la continuité de la RED2. Au moins ce n’est pas un recul, alors que la guerre en Ukraine avait remis en avant des messages anti-biocarburants G1 qui auraient pu conduire à saborder la filière européenne. L’AGPM note la validation d’un point positif qu’elle a soutenu : le plafond d’incorporation des biocarburants G1 sera calculé sur l’ensemble des transports et non plus seulement sur les seuls transports terrestres. Les biocarburants avancés devront atteindre 5,5 % en 2030, dont 1 % à partir d’hydrogène. L’AGPM défend l’inclusion des intercultures dans les sources de biomasse éligibles, ce qui peut faire une cohérence avec la PAC. En revanche, la RED3 réhausse l’exigence de réduction de GES du biogaz à 80 %, ce qui pénalisera les sources de biomasse cultivées. Dans la réforme de la taxation des énergies, autre texte du Paquet 55, l’AGPM regrette le maintien jusqu’à présent de taxer les biocarburants durables G1 comme des carburants fossiles. Cette proposition n’a pas de logique et l’AGPM souhaite, comme ses partenaires, que le législateur européen retrouve la voie du bon sens. L’AGPM regrette aussi que la RED3 et la réglementation sur les carburants d’aviation rejettent l’utilisation de biocarburants G1 durables, car le bioéthanol peut être une source de fabrication de ces carburants.

Règlement émissions CO2 des voitures
L’Union européenne a finalement adopté ce règlement qui prévoit d’interdire à la vente après 2035 les voitures qui ne seraient pas zéro émission au pot d’échappement, donc les moteurs thermiques. L’AGPM a soutenu une approche de neutralité technologique et de mesure des GES en analyse de cycle de vie. C’est indispensable car la filière bioéthanol a démontré la meilleure performance GES des voitures hybrides rechargeables de catégorie moyenne roulant avec du E85 par rapport aux modèles équivalents tout électrique. L’AGPM estime que cela doit permettre de maintenir la vente de ces véhicules hybrides après 2035 dans le cadre de la révision du texte en 2026.

AGPB/AGPM : BUREAU COMMUN
Le 11 avril dernier, les présidents Franck Laborde et Eric Thirouin ont réuni ensemble les Bureaux de l’AGPM et de l’AGPB. Cette séance a été l’occasion de présenter plus en détails les 2 structures et celles qu’elles ont su créer au cours de leur histoire, avec Arvalis, Unigrains et Intercéréales. La discussion a permis d’identifier les travaux existants, en particulier au travers de la dynamique grandes cultures, mais également la volonté de poursuivre dans cette voie. Une prochaine session permettra d’approfondir encore les sujets, en particulier au regard de l’implication de nos 2 AS au sein de la FNSEA, dont Franck Laborde et Eric Thirouin sont membres du Bureau, sous la présidence d’Arnaud Rousseau.