AGPM Info économie 586

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La guerre de l’eau ! Quand la guerre est déclarée, que reste-t-il à ceux qui sont attaqués ? Sainte-Soline s’est retrouvée hier au centre d’un débat dépassant largement les agriculteurs porteurs du projet. Elle est aujourd’hui au cœur d’un combat d’une violence inouïe qui foule au pied les pousses naissantes dans les champs autant que les règles et les interdictions. Fruit d’un débat politique, voire politicien, et de ses excès, la situation bafoue totalement les réalités locales – économiques comme environnementales –. Il ne faut pas se tromper : les victimes dans cette affaire, ce sont les agriculteurs ! D’aujourd’hui, qui subissent attaques et intimidations inadmissibles. De demain, qui n’auront pas accès à l’eau, faute de stockage. Qui demandera à la minorité bloquante d’aujourd’hui de rendre des comptes demain ?

Le chiffre du mois : 70 %, c’est la baisse de prélèvement permise l’été parla retenue créée à Sainte-Soline.

MARCHÉ

LE MAÏS SOUS PRESSION

La baisse des prix, tant physiques, pour la campagne en cours, que sur Euronext pour la prochaine campagne, s’est poursuivie au mois de mars accentuant le risque de ciseau de prix pour les producteurs. Les tensions sur le bilan mondial du maïs demeurent, de même que les risques géopolitiques en mer Noire.

LES PRIX DU MAÏS SOUS PRESSION

Au cours du mois de mars, le cours de l’échéance novembre 2023 d’Euronext, pour la prochaine récolte, a perdu 10 m/t pour se situer à environ 250 m/t. Comme depuis le début de la campagne,
cette pression s’explique par des importations européennes de maïs massives, résultant du déficit de production dû à la sécheresse de l’été 2022 mais également de la très forte compétitivité des
maïs importés (Brésil, Ukraine) face aux origines européennes. Par ailleurs, les prix des céréales européennes, dont le maïs, ont été affectés par une divergence de politique monétaire entre les États-Unis et l’UE. En effet, les hausses de taux d’intérêts se font désormais plus prudentes aux États- Unis, où la Fed craint une déstabilisation des banques les plus fragiles, alors que l’UE poursuit une politique monétaire plus offensive. Par conséquent, l’euro se renforce face au dollar ce qui pénalise les céréales européennes rendues moins compétitives que leurs concurrentes.
Cela est particulièrement vrai pour les blé européens et français soumis à une intense concurrence russe, du fait d’une production record, et qui entraînent dans leur baisse les autres céréales. De plus, les fonds spéculatifs réduisent leur exposition sur les marchés agricoles, inquiets d’une demande mondiale en céréales qui se dégrade du fait des niveaux d’inflation et recherchant des
marchés plus sécurisés. Ainsi, pour le maïs à Chicago, les fonds sont redevenus nets vendeurs, une position qu’ils n’avaient pas eue depuis août 2020 et qui fait pression à la baisse sur les prix. Enfin, aux États-Unis, les perspectives de stocks se sont alourdies tant pour la prochaine campagne (voir ci-dessous) que pour la campagne en cours du fait du manque de compétitivité du maïs
américain en début de campagne. Cela a également fait pression sur les prix au mois de mars.

VERS UNE DÉTENTE DU BILAN MONDIAL DU MAÏS ?

L’évolution du bilan mondial du maïs et de la situation géopolitique en mer Noire devrait continuer à dominer celle des prix dans les prochains mois. Malgré un alourdissement des stocks américains pour la campagne en cours, les cours du maïs ont quelque peu rebondi en fin de mois à la faveur du retour aux achats de la Chine. Ce pays a ainsi profité d’une meilleure compétitivité de l’origine américaine pour contractualiser  l’achat d’un peu plus de 3 Mt de maïs depuis la mi-mars. Si cette dynamique se poursuit, elle pourrait tendre à nouveau les stocks américains. Par ailleurs, en Argentine, la situation climatique n’a eu de cesse de se dégrader ces dernières semaines ce qui, après les maïs précoces, affecte les maïs tardifs. A ce jour, la production est attendue à environ 35 Mt contre plus de 50 Mt en début de campagne. Enfin, si le corridor maritime pour les exportations ukrainiennes a bien été renouvelé mi-mars, les stocks de maïs ukrainiens sont
désormais limités. On le voit, une détente du bilan mondial sur la fin de campagne 2022/2023 et pour la prochaine campagne nécessiterait une forte présence du Brésil et des États-Unis sur le marché mondial dans un contexte où, du fait de l’invasion russe, les surfaces ukrainiennes de maïs en 2023 devraient largement baisser au profit du tournesol. Au Brésil, les maïs safrinhas ont été semés tardivement, notamment dans le sud du pays, ce qui les expose à un plus fort risque d’aléas climatiques. Cela pourrait limiter le record de production attendu (125 Mt). Aux États-Unis, les ratios de prix sont très favorables à une hausse des surfaces de maïs. Avec 37,2 millions d’hectares semés, les intentions de semis des producteurs pour 2023 se sont ainsi révélées supérieures aux attente des opérateurs et de l’USDA (36,8 Mha). Les conditions de semis seront désormais suivies avec attention jusqu’au rapport sur les surfaces de fin juin. Enfin, si le corridor ukrainien a bien été renouvelé, sans conséquence majeure sur les prix car cette décision était attendue, les risques géopolitiques demeurent en mer Noire : la Russie envisage cette reconduction pour 60 jours, une durée plus courte que prévue, des opérateurs internationaux de grande envergure comme Cargill ou Viterra ont annoncé vouloir se désengager du marché céréalier russe tandis que de leur côté, les autorités russes ont laissé entendre qu’elles pourraient augmenter leurs stocks stratégiques de céréales et accroître leurs contrôles sur les exportations céréalières russes.

FEUILLE DE ROUTE DÉCARBONATION DES GRANDES CULTURES

LA FILIÈRE CÉRÉALIÈRE TRAVAILLE SA DÉCARBONATION

L’article 301 de la loi Climat et Résilience prévoit la co-construction de feuilles de route entre les représentants des filières des secteurs les plus émetteurs et les pouvoirs publics pour atteindre l’objectif de neutralité carbone fixé par la France. Dans ce cadre, sollicitée par les pouvoirs publics, Intercéréales va constituer sa feuille de route d’ici la fin de l’année 2023, en lien avec l’ensemble des organisations de la production (périmètre grandes cultures) à la transformation en passant par la collecte, l’export et la logistique et en coordination avec les pouvoirs publics. Cet engagement
a été signé par Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales le 28 février 2023 sur le stand Intercéréales au Salon International de l’Agriculture, en présence de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, de Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire et d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition
énergétique. Cette mobilisation témoigne de l’importance de l’agriculture face aux enjeux du changement climatique, notamment eu égard aux très nombreuses solutions qu’elle est capable de déployer.

DES SOLUTIONS APPORTÉES PAR LES GRANDES CULTURES

L’AGPM a défendu le principe dans cette feuille de route, de définir spécifiquement, face au changement climatique, un plan d’action de décarbonation pour les exploitations de grandes cultures, avec des objectifs ambitieux mais réalistes et pragmatiques et y associera donc ses partenaires de grandes cultures. L’enjeu est notamment d’élaborer ce plan d’actions dans un contexte, a minima, de maintien des capacités de production de la filière afin de répondre aux enjeux immédiats et à venir de souveraineté alimentaire et de demande en biomasse pour la bioéconomie. Cette ambition de concilier croissance et décarbonation devra être négociée avec l’État car elle permettra de signaler les freins et les solutions qui pourraient contredire des scénarios communément
admis. Quelle politique de l’eau ? Quel usage des technologies innovantes d’ici 2030 et 2050 ? Faut-il se contenter des leviers ? En effet, les pouvoirs publics de manqueront pas de rappeler que ce travail s’inscrit dans le cadre de la trajectoire de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) dans laquelle l’agriculture dans son ensemble doit réduire ses émissions respectivement de 19 % en 2030 et de 46 % en 2050 par rapport à 2015. L’objectif 2030 sera renforcé car le Pacte Vert a fixé à 55 % la baisse globale des émissions nettes des puits de carbone, contre 40 % précédemment. Or la SNBC, c’est aussi une maximisation de leviers qui conduisent plutôt à une réduction du potentiel de production. L’AGPM soutient que l’agriculture fait partie des solutions au changement  climatique notamment en fournissant des alternatives aux énergies et matériaux fossiles et grâce à sa capacité de stockage de carbone dans les sols. La fonction de puits de carbone des exploitations de grandes cultures devra être réévaluée. De la même manière, seront étudiées les trajectoires de substitution par la filière céréalière des produits issus du pétrole et du gaz via notamment les bioénergies, les biomatériaux et les biomolécules, en complémentarité avec la souveraineté alimentaire, humaine et animale. Enfin, l’AGPM souhaite l’intégration et la levée des
freins au développement et à l’utilisation le plus tôt possible des innovations de rupture nécessaires à l’atteinte des objectifs ;comme par exemple la mise sur le marché des maïs plus autonomes en azote, pour réduire son empreinte gaz à effet de serre.

BILAN DU SALON INTERNATIONAL DE L’AGRICULTURE 2023

Le SIA a fermé ses portes début mars, l’heure est donc au bilan : plus de 45 rendez-vous politiques, 12 administrateurs mobilisés et 8 animations pédagogiques autour de la culture du maïs. Ainsi, face à l’ensemble des personnalités politiques rencontrées, l’AGPM a rappelé notamment :

– Les interdictions sans solutions et la surtransposition réglementaire dans un marché ouvert mettent en péril notre production, la compétitivité de nos exploitations et la pérennité de notre agriculture ;
– L’eau n’est pas une option, c’est une absolue nécessité. Capter, stocker, utiliser l’eau pour produire, c’est servir l’intérêt général, c’est emprunter au bien commun puis rendre dans les assiettes ;
– L’investissement dans la recherche et l’innovation sont des conditions à l’avenir de notre agriculture pour faire face à l’enjeu incontournable de produire plus et de produire mieux.
A chaque instant, l’AGPM a soulevé des problématiques et proposé des solutions concrètes. Nous avons été entendus, il faudra maintenant que les paroles deviennent des actes et nous y veillerons avec attention !