Accord UE-Mercosur : impacts et propositions pour la filière maïs

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Pour une Union Européenne plus cohérente et des agriculteurs mieux protégés

NOTRE ÉTUDE, EN BREF

L’Union Européenne est le 1er importateur mondial de maïs devant la Chine

Le saviez-vous ? En 2022/2023, l’Union européenne est passée devant la Chine pour redevenir le premier importateur mondial de maïs, avec 26 millions de tonnes importées. Avec un million d’hectares de maïs perdus au cours des vingt dernières années sur nos territoires européens, une tonne de maïs sur quatre consommée au sein de l’UE est désormais produite ailleurs dans le monde. Face à cette dépendance accrue aux importations de maïs aux usages pourtant hautement stratégiques aux plans alimentaire et énergétique, la Commission européenne fait aujourd’hui un drôle de pari. Elle s’engage à durcir la règlementation
qui s’impose aux agriculteurs européens quitte, à affaiblir leurs capacités de production… tout en multipliant les opportunités commerciales offertes à d’autres systèmes de production de maïs à travers le monde, qui ne respectent pas les normes de production environnementales et sanitaires européennes !

Le drôle de pari de la Commission européenne : le Green Deal et l’accord de libre-échange avec le Mercosur

C’est le cas, par exemple, des exploitations de maïs du Mato Grosso, une région au centre-ouest du Brésil devenue le temple de l’agro-industrie  exportatrice et à qui la Commission européenne souhaite faciliter, toujours plus, l’accès à notre marché à travers, notamment, le projet d’accord de libre-échange UE-MERCOSUR conclu en 2019, dont elle encourage aujourd’hui avec vigueur la ratification. Un accord qui prévoit, entre autres concessions, l’octroi d’un quota supplémentaire
d’un million de tonnes de maïs grain et de sorgho sans activation possible de droits de douane, de mille tonnes de maïs doux et de nouveaux quotas à droits de douane nuls ou réduits concernant des débouchés à haute valeur ajoutée pour les producteurs de maïs français et européens tels que la volaille (180 000 tonnes) ou l’éthanol (650 000 tonnes).

Certaines exploitations au Mato Grosso atteignent jusqu’à 500 000 hectares, soit la superficie d’un département français moyen !

Ces « agro-holdings » du Mato Grosso, qui cultivent du maïs dit « safrinha » à contre-saison, après la récolte de soja sur des terres généralement issues de la déforestation, s’opposent en tous points à la production de maïs en France. Par leur taille, d’abord : les plus grandes exploitations exportatrices atteignent jusqu’à 500 000 hectares, soit la superficie d’un département moyen français ! Par leurs pratiques, ensuite : La quasi-totalité du maïs planté y est OGM et les producteurs recourent massivement à des produits phytosanitaires basés sur des substances actives strictement interdites en France et/ou en Europe, parfois depuis de très nombreuses années.

De l’atrazine aux néonicotinoïdes : 77,5% des substances actives autorisées au Brésil pour les producteurs du Mercosur sont interdites en France !

Au total, sur les 178 substances actives autorisées sur maïs au Brésil et en Argentine, 92 sont interdites en Europe parce qu’elles sont considérées comme porteuses de risques pour la santé ou pour l’environnement. Cette part est encore plus élevée à l’échelle de la France : 138 substances actives sur les 178 autorisées au Brésil et en Argentine sont interdites sur notre territoire. Dit autrement, 77,5% des substances actives autorisées pour les producteurs du Mercosur qui exportent leur maïs vers l’Union européenne sont interdites en France !
C’est le cas, par exemple, de l’atrazine : un herbicide nocif pour l’homme et toxique pour l’environnement en raison de sa présence dans les eaux et milieux aquatiques, interdit depuis 2003 en France et depuis 2007 au niveau européen. Cette interdiction en vigueur depuis près de vingt ans n’empêche pas l’Union européenne d’ouvrir toujours plus grand les portes de son marché au maïs importé – depuis le Brésil, par exemple -, désherbé à l’atrazine.
Autre exemple : les néonicotinoïdes. Ces insecticides interdits au sein de l’Union européenne sont utilisés en routine par les producteurs de maïs du Mercosur. Et là encore, cette pratique réalisée « loin des yeux » de la Commission européenne ne semble pas de nature à remettre en cause les nombreux débouchés commerciaux off erts sur le marché européen aux principaux producteurs mondiaux de maïs.

Un pari perdant-perdant pour la Commission européenne qui perd sur tous les terrains : celui de la souveraineté alimentaire comme de la transition écologique

L’UE fait un drôle de pari, car en laissant systématiquement dans l’angle mort de ses politiques publiques cette question pourtant centrale des standards de production des produits agricoles et alimentaires qu’elle importe – ainsi que leur impact sur l’environnement et la santé – elle perd sur tous les terrains. Sur celui de la transition écologique, d’abord, en décourageant les eff orts des agriculteurs français et européens dans l’évolution de leurs pratiques tout en stimulant les systèmes de production du Mercosur basés sur des pratiques interdites en Europe. Sur celui de la souveraineté alimentaire et énergétique, ensuite. A cet égard, les perspectives sont alarmantes : quand l’UE pourrait – selon les projections réalisées par la Commission européenne -, perdre encore 600 000 hectares de maïs d’ici 2032, le Brésil pourrait, lui, voir ses surfaces de maïs augmenter de 3,8 millions d’hectares sur la même période. Misant, pour cela, sur de nouvelles infrastructures de transport pour exporter toujours plus vers le reste du monde… ainsi que sur les 40 millions d’hectares de surfaces agricoles en « réserve » dont il dispose !

Bientôt 1 tonne sur 3 de maïs consommée en Europe issue de l’importation ?

Face à une demande stable de maïs en Europe, il est à craindre, selon les projections réalisées sur la base des perspectives l’évolution de la production brésilienne et de l’écart de compétitivité entre le maïs brésilien et le maïs européen, un doublement des importations européennes de maïs brésilien au détriment de la production européenne de maïs. Ces dernières pourraient passer de 5 à 10 millions de tonnes à l’horizon 2030. Environ 1 tonne de maïs sur 3 consommée dans l’UE serait alors importée !

NOS 5 SOLUTIONS

Refusant ces incohérences, les producteurs de maïs français réunis au sein de l’AGPM formulent dans leur étude 5 solutions pour aligner la politique commerciale de l’UE sur les objectifs qu’elle affiche en matière de souveraineté et de durabilité :

SOLUTION N°1
Modifier en profondeur le contenu de l’accord de libre-échange conclu entre l’UE et le Mercosur pour y inclure des « clauses miroir » conditionnant toute préférence commerciale accordée concernant le maïs ou les produits dérivés du maïs à la non-utilisation des substances actives ayant été interdites en Europe parce qu’elles présentent un risque pour la santé humaine et/ou l’environnement.

SOLUTION N°2
Adopter dans le cadre de législations sectorielles européennes, comme cela est autorisé par les règles de l’OMC, des « mesures miroir » visant à interdire l’importation de maïs ou de produits dérivés du maïs traités avec des substances actives interdites dans l’UE et considérées comme les plus toxiques (atrazine, …).

SOLUTION N°3
Imposer la structuration de filières dédiées à l’exportation vers l’UE au sein des principaux pays exportateurs de maïs en s’inspirant des précédents existants dans le secteur de l’élevage (interdiction du boeuf aux hormones, en vigueur depuis 1988). Ces filières devront garantir la non-utilisation de ces substances actives interdites à toutes les étapes de la production agricole ET diligenter des contrôles sur les normes de production pratiquées au sein de ces filières dédiées, dans les pays exportateurs, ceci, en ne se limitant pas à un contrôle des « Limites Maximales de Résidus » sur le maïs importé.

SOLUTION N°4
Ajouter les zones de savane du Cerrado dans la liste des écosystèmes concernés par le règlement européen relatif à la lutte contre la déforestation importée

SOLUTION N°5
Rénover le mécanisme de droits de douane relatif au maïs pour protéger efficacement les capacités de production européennes et accompagner les efforts des agriculteurs européens en matière de transition écologique.